lundi 21 décembre 2020

La Tunisie post 2011 : une transition entachée de populisme exacerbé

 









 

 

Abstract 

      Rarement revendiqué par des personnes ou des organisations, le populisme est attribué à d’autres, souvent dans un sens rabaissant et péjoratif. C’est toujours en stigmatisant son élite intellectuelle, ses minorités confessionnelles et politiques, qu’une société verse dans le populisme. On se propose, pour mieux comprendre ce qui s’est passé en Tunisie après 2011, de mettre en évidence le rapport entre l’éclatement de l’espace public et l’apparition du populisme traduisant durant les années transition une incapacité évidente à gérer rationnellement les différences. Le retour sur la définition de l’espace ne permet pas de cerner sa réalité en dehors des sociétés occidentales bourgeoises, dont les individus ont intériorisé leur statut de citoyen, qui leur défend de penser prioritairement à leurs sous-encrages familiaux ou locaux. Par ailleurs la difficulté, de définir le sens que requière l’idée d’intérêt général aussi bien dans les sociétés occidentales qu’ailleurs indique que le rationalisme, tout seul est incapable aujourd’hui d’expliquer ce que nous vivons. Les émotions, les peurs, les angoisses, les appréhensions et les représentations dystopiques prennent une place considérable dans l’explication des changements qui sont en train de refaçonner l’espace public et d’impliquer un glissement impromptu dans des comportements excessifs que nous ne dédaignerons pas de qualifier de populistes.  

 

Mots clés :

Contexte Transitionnel – Espaces publics – Cadres imaginaires sociopolitiques - Populisme – Mémoire collective – Rationalisme – Progrès - Mondialisation.

 

1 - L’attention accordée aux pratiques politiques qualifiées de populistes remonte aux philosophes grecs anciens (Platon, Aristote, pseudo-Xénophon, Démosthène …). Les rapports très étroits entre démocratie grecque et populisme ont été mis à l’évidence et sévèrement critiqué par Aristophane, qui révélé la propension de la démocratie à engendrer des comportements démagogiques. Une telle affirmation ne peut constituer qu’un élément révélateur des avatars de la si jeune démocratie tunisienne. Au fait, la longue histoire de la démocratie nous rappelle, comme l’a si bien expliqué l’historien Houcine Jaïdi (2019), que « le populisme est un ver installé dans le fruit ». Et que « si le mal n’est pas toujours visible, c’est qu’il peut avoir des visages multiples, une virulence variable et des phases d’hibernation imposées par des antidotes efficaces ». 

2 - Le populisme est un label rarement revendiqué par des personnes ou des organisations. Il est souvent attribué à d’autres, avec une connotation négative. C’est une idéologie qui considère que la société se divise en deux camps homogènes et antagonistes « le peuple pur » contre « l’élite corrompue » et qui soutient que la politique devrait être l’expression de la volonté générale du peuple. C’est toujours en stigmatisant son élite intellectuelle, ses minorités confessionnelles et politiques ainsi que ses groupes d’intérêt, en considérant qu’ils ont trahi leurs concitoyens, qu’une société verse, subrepticement et sans en être forcément consciente, dans le populisme (Cas Mudde and Cristóbal Rovira Kaltwasser, 2017).

3 – Et même si nous pouvons ramener historiquement de telles représentations surdimensionnant le pouvoir du peuple à des temps mémoriels rappelant certains paradigmes politique de l’islam matriciel[1] L’histoire du populisme tel que nous le connaissons aujourd’hui ne peut remonter au-delà des années quatre-vingt du XIXe siècle où un tel néologisme fut utilisé à l’origine pour condamner les pratiques démagogiques et opportunistes des opposants au pouvoir. Mais les recherches récentes en sciences politiques ont élargi le champ lexical, mettant en sourdine l’évocation des classes populaires dans le discours des partis politiques, pour ne parler que du comportement populiste des milieux sociaux populaires, appartenant aux courants d’extrême droite qui magnifient le peuple et surdimensionnent ses représentations.

4 - Dans la Tunisie post 2011, la notion de peule pose un grand problème d’identification. En fait, de quel peuple parle-t-on lorsque nous lui attribuons, exclusivement, l’avènement du fait révolutionnaire ? S’agit-il du syndicaliste de base, du haut commis de l’État ou de l’universitaire apeuré à l’idée de sortir de sa zone de confort. Du militant politique toutes obédiences et générations confondues ou du « bourguibiste » relooké et réhabilité ? De l’islamiste versait dans l’opposition politique contre le pouvoir en place ou du barbu salafiste s’invitant d’une manière impromptue dans l’espace public ? Tous font partie du peuple et revendiquent, avec insistance, le droit exclusif de le représenter (Hichem Abdessamad, 2012).

Une rupture révolutionnaire annoncée :  

5 - Au commencement fut « la révolution du jasmin » initiée par un peuple de citoyens modérés qui ne pouvaient tolérer, davantage, un régime népotique et dictatorial (Hélé Béji, 2011). Mais après les élections d’octobre 2011, le même peuple fut représenté par les cellules en hibernation des islamistes, conglomérat hétéroclite regroupant salafistes radicaux, réformistes à la turque et prosélytes d’un autre temps, revendiquant, dans la cacophonie générale, leur hypothétique participation à une telle rupture historique. La conséquence de ce cheminement fut la victoire du peuple des croyants, rétablissant son identité musulmane, par trop, bafouée par une modernité laïcisée et autoproclamée. Frappée de myopie chronique la gauche tunisienne campera, pour sa part, sur ses positions d’antan et stigmatisa, comme à l’accoutumé, les effets indésirables d’une contre-révolution prédatrice (Ines Mahmoud, 2012).

6 - De quoi s’agit-il en fait ? Probablement et comme l’a si bien formulé Hichem Abdessamad d’une mutation de la contestation verbale vers un grognement non maitrisé des ventres vides. Le cogito étant, immanquablement, de trouver réponse à l’horizon socio-économique du trend ou rupture révolutionnaire, en empêchant la prolifération des visions essentialistes du mot peuple et en se gardant de le transformer, catastrophiquement, en un populisme exacerbé.

7 - Pour comprendre ce qui s’est passé dans la Tunisie post 2011, on se propose de faire un retour sur la définition donnée à l’espace public par le sociologue allemand Jürgen Habermas, comme étant « l’ensemble des personnes privés qui font appel à la raison publique pour discuter des affaires de la société » (Jürgen Habermas, 1988). Une telle définition, dont l’encrage social se réfère aux sociétés occidentales bourgeoises, pose, en dehors de ses espaces originels, deux problèmes dont le premier est celui des spécificités de l’individu. Les personnes égales, qui ont les mêmes devoirs et les mêmes droits et qui participent à la vie politique, intériorisent parfaitement leur statut de citoyen, qui leur défend (du moins théoriquement) de penser prioritairement à leurs sous encrages familiaux ou locaux. Une telle posture ne peut, aucunement, être celle des sociétés arabes après les changements survenus depuis quelques années (Mohamed Kerrou, 2019). Le second problème est celui de la difficulté, même dans les sociétés démocratiques, de définir le sens que requiert l’idée d’intérêt général ? Habermas a été d’ailleurs, très critiqué sur ce point puisqu’il est resté fidèle à ses convictions rationalistes et à son appartenance à l’école de Francfort et aux traditions marxistes (Jean-Marc Durand-Gasselin, 2012).

8 – Ainsi le rationalisme, tout seul, parait incapable aujourd’hui d’expliquer ce que nous sommes en train de vivre. Les émotions, les peurs, les angoisses, les appréhensions et les représentations, prennent une place considérable dans l’explication des changements qui sont en train de refaçonner l’espace public (Cornelius Castoriadis 1975 et 2008). Le populisme, n’étant pas en dehors d’une telle configuration, il s’immisce, avec insistance, dans ce topo incommensurablement complexe, traduisant, bien souvent, notre incapacité d’appréhender la situation ou de simuler ses grandes mutations. Une telle vérité nous ordonne dans un premier temps de faire un retour averti sur le profond changement survenu sur le paysage sociopolitique qui est le nôtre et déterminer le rôle joué par l’imaginaire dans la complexité de sa construction. Un tel bouleversement de perspective ne peut être compris en dehors d’une grille de lecture permettant d’arrimer le contexte local à sa matrice mondiale secoué par une crise sans précédent depuis la chute de l’empire soviétique.    

Le populisme en chantier : Espaces publics et cadres imaginaires sociopolitiques

9 - Au-delà de ces observations préliminaires traduisant les limites méthodologiques et paradigmatiques d’une telle rupture, la société tunisienne post 2011 se caractérise par la multiplicité des espaces publics. Au fait, trois espaces au moins, paraissent s’accommoder à une analyse, révélant les caractéristiques du paysage civil et politique tunisien. Il s’agit, dans le cas tunisien, d’une part, des défenseurs du nationalisme dépositaire du réformisme historique, engagé depuis le XIXe siècle, et qui se décline, généralement, sous forme d’une nébuleuse hétérogène regroupant progressistes de gauche comme de droite. D’autre part, des islamistes conservateurs, dont la légitimité historique est souvent associée à leur opposition à l’autoritarisme outrancier de l’Etat national, se déclinent, dans le contexte spécifique de la Tunisie post 2011, en plusieurs factions composées d’islamistes, de traditionalistes de droite, de salafistes conservateurs défendant, sous plusieurs bannières, les valeurs égalitaristes d’un prétendu islam matriciel ainsi que l’impératif d’un utopique retour au califat. Le dernier espace est balisé par un droit de-l’homéisme populo-formaliste propulsé, d’une manière inattendue et comme pour mettre à nu la fracture sociale, au-devant de la scène politique, surtout après le véritable plébiscite du nouveau président Kaïs Saïd aux dernières élections.  

10 – De tels espaces ne s’opposent point, malgré les apparences, à engager des formes particulières de dialogue dont les joutes oratoires creuses et improductives, si fréquentes sous la coupole de l’Assemblée des représentants du peuple, traduisent un nivellement constant par le bas et consacrent une dégénérescence verbale de bas étage. Mais si on dépasse les apparences, si l’on accepte, tant soit peu, d’observer les dessous de la partie émergée de l’iceberg, de tels échanges, fracassants et tonitruants, donnent à voir les points d’accords et de désaccords, les taquineries mutuelles, la capacité à accepter l’adversité, les émotions, voir parfois des comportements étonnamment fusionnels ! Ce qui implique que le rationnel est incapable d’expliquer, à lui seul, de tels agissements, traduisant la complexité de la situation et permettant à l’affect et aux émotions de mieux éclairer un tableau par trop confus. (E. Savaresse, B. Anderson, 1996).

11 - Il est indéniable que, ni le rationalisme ni le déterminisme, ne sont aujourd’hui capables à eux seuls, et comme ce fut le cas jadis, d’expliquer ce qui se passe autour de nous. L’histoire du temps présent nous invite à penser que « nous vivons une crise au sens plein du terme et qu’aucun retour en arrière n’est possible ». Nous nous enlisons en effet, dans une crise globalisée et globalisante (Michel Serres, 2009) qui frappe avec insistance les nantis comme les démunis. Le présentisme (François Hartog, 2016) qui découle d’une telle situation, ne donne guère au passé, comme ce fut le cas au cours des deux derniers siècles, la possibilité d’éclairer le présent ou de croire à un possible progrès futur de l’humanité.

12 - Le tournant culturaliste qu’avait pris le métier d’historien, à la fin du siècle dernier (Philippe Poirrier, 2008), nous a ouvert les yeux sur les nouveaux champs de recherche consacrés à l’histoire du sensible (Jean Corbin, 2017), aux représentations culturelles des milieux sociaux (Roger Chartier, 2012), ainsi qu’à la primauté de la culture dans la construction des discours et dans la transformation des pratiques politiques (Jean François Sirinelli, 2014).

13 - En outre, la mise à contribution des paradigmes sociologiques, s’intéressant aux faits mémoriaux comme construction sociale, développés depuis l’entre-deux-guerres par Maurice Halbwachs (2009), a permis d’engager un véritable débat dans le champ des sciences de l’homme et de la société autour des stratégies des acteurs sociaux pour reconfigurer la mémoire (Pierre Nora, 1992).

14 - Une telle dynamique, non dénuée d’instrumentalisation politique, risque, à terme, d’ôter à la mémoire nationale tunisienne le rôle mobilisateur qui a toujours fonctionné à la manière d’un hiatus capable d’aplanir les différences et de renforcer l’unité de la communauté imaginée, comme il peut aussi la rendre, progressivement, incapable d'exprimer l’identité commune du peuple ou de la Nation tunisienne (Lotfi Aïssa, 2019). Et c’est au débat engagé autour du rôle joué par les imaginaires sociaux dans l’élaboration des mécanismes de résistance ou de préservation, lancé initialement par Cornelius Castoriadis (2008), de faciliter l’éclosion d’un tournant dans la recherche historique, s’occupant davantage du rôle joué par les émotions dans l’élaboration de la contingence historique et la construction des discours annoncés par ses sources appropriées.

15 - Ce n’est aucunement une forme de résurgence du modèle inhérent aux sociétés traditionnelles. Se donnant à voir à travers l’idée organique de société / communauté initié par les travaux de Tonnies[2]. Il s’agit là d’un phénomène inédit qui donne à réfléchir sur d’autres dimensions qui sont en rapport direct avec les émotions et les sensibilités. Cette situation est celle aussi du monde de l’information et des institutions où le débat n’occulte aucunement les divergences exprimées d’une manière implicite ou explicite.

16 - Un dernier aspect, au demeurant complémentaire, pouvant contribuer à mieux apprécier les transformations actuelles de la société tunisienne, est celui de la forte implication de l’imaginaire social et politique. En effet, nous risquerons de porter un regard partial sur ce qui s’est passé en Tunisie, si nous ne faisons pas intervenir dans nos explications l’influence des dimensions imaginaires. L’instant révolutionnaire s’est exprimé dans la réalité d’une manière imprévue ; le soulèvement populaire et les émeutes déclenchées dans plusieurs régions de la Tunisie n’ont pas été préparés en avance. On est incapable de comprendre ce qui s’est passé exactement sans se référer au paradigme de l’imaginaire, permettant aux individus de résister collectivement, en intégrant dans leur appartenance à une nation souveraine, toutes les autres références traditionnelles (région, tribu, ethnie, famille…etc.)

17 - L’espace public tunisien institutionnalisé comporte un certain nombre de cadres imaginaires. L’un d’eux est représenté par ceux qui ont gagné les deux élections du 23 octobre 2011 et du 6 octobre 2019, défendant un imaginaire dont la principale référence est l’identité musulmane dans laquelle l’idée de la communauté ou oumma s’emboite avec celle de la patrie et où le fait de servir la chose publique ne peut se comprendre en dehors de l’espace référentiel arabo-musulman (Lotfi Aïssa 2015). Mués dans des partis politiques sécularisés (pour les dernières élections législatives le parti Ennahdha et la Coalition de la dignité ou Iitilaf al-Karama), se sont autoproclamés détenteurs exclusifs d’une pseudo légitimité révolutionnaire forgée, pour les premiers, après leur participation à la promulgation de la nouvelle constitution et, pour leurs alliés ou acolytes, par leur appartenance ou collaboration étroite avec les tristement célébrissime Ligues de défense de la Révolution.

18 - Les multiples travers dus à leur incapacité à exercer le pouvoir ne semblent nullement leur indiquer un salutaire changement de cap, même s’ils se sont aperçus que la voie n’était pas totalement libre devant eux pour réaliser leur rêve d’imposer à la société tunisienne en bon élève des islamistes turcs le diktat libéro-conservateur.

19 - L’opposition insignifiante des nationalistes et leurs résultats franchement humiliants aux premières élections libres d’octobre 2011 les ont réduits - en tout cas dans l’imaginaire triomphal des islamistes - aux gens du « zéro virgule ». Et même s’ils ont su équilibrer la donne en organisant la résistance et en gagnant les élections de 2014 après la fondation d’une mouvance politique gérée en front électoral et appelée Nidaa Tounès, Appel de la Tunisie, dont l’encrage identitaire s’est doublé d’une volonté tenace à ressusciter l’image du leader nationaliste et du fondateur de Etat national indépendant Habib Bourguiba et de revendiquer, à travers une compagne de communication sans précédent, l’appartenance à son héritage. Mais l’implosion d’une telle configuration concomitante à l’arrivée de son leader Béji Caid Sebssi au pouvoir en dit long sur les avatars de la transition démocratique en Tunisie. 

20 - Ces deux partenaires politiques, islamistes et nationalistes, ont réussi à réaliser ce que le sociologue tunisien Abdelkader Zghal avait qualifié de « compromis historique » (Kerrou, 2017), se donnant à voir à travers les articles de la constitution de janvier 2014. Et que le juriste tunisien Iyadh Ben Achour avait qualifié de son coté de « compromis entre Etat séculier et Etat théocratique » (Iyadh Ben Achour, 2014). Ce compromis doit être compris comme un bricolage reflétant un équilibre inédit nous ramenant à l’exercice du pouvoir par le parti islamiste Ennahdha qui, au-delà de sa suprématie politique, n’a toujours pas réussi à s’imposer à la société tunisienne, ni culturellement ni encore moins idéologiquement[3].

21 – Mais quoi qu’en disent ses détracteurs, l’imaginaire nationaliste a su garder une primauté sur l’administration, compte tenu du manque de cadres qualifiés appartenant aux islamistes qui n’ont pas suffisamment d’expérience pratique en matière de gestion des affaires de l’Etat. Cela étant, il serait inconséquent de ne pas insister sur le fait qu’un tel bricolage ou compromis, n’aurait probablement pas vu le jour en dehors de la multitude d’espaces publics ainsi que des cadres imaginaires sociaux-politiques.

22 - L’idée de compromis n’étant nullement dénuée de fragilité, les deux imaginaires évoqués (nationaliste et islamiste) restent élitistes et ne couvrent, dans la réalité sociologique tunisienne actuelle, qu’une frange infime de la société. Les milieux populaires, pour éviter d’évoquer les deux notions de peuple ou de masse, regroupent ce que Michel de Certeau a appelé « les citoyens ordinaires » (Michel de Certeau, 1990). Leurs attentes sont loin d’embrasser la question des libertés individuelles ou celle de la liberté de conscience puisqu’ils réfutent solennellement leurs inscriptions dans de tels registres, pour défendre prioritairement leur appartenance à la communauté musulmane.

23 - Ce que ces gens attendent, par-dessus tout, c’est une amélioration concrète et substantielle de leurs conditions de vie, c’est-à-dire de pouvoir vivre correctement et subvenir à leurs multiples besoins[4]. Polémiquer autour des articles de la constitution, du code électoral, du régime politique en devenir ou de la parité des hommes et des femmes en héritage suscite moins leur intérêt. Et c’est peut-être là où se situe le talon d’Achille des hommes de loi qui représentent les initiateurs attitrés du troisième espace public de la Tunisie post 2011.

24 - Juristes et droit-de-l’hommises n’arrivent pas, en effet, à saisir la meilleure façon de traiter ce qui se passe dans la Tunisie profonde où les habitants ne défendent pas, dans les faits, l’application de la loi et préfèrent vivre de l’argent de la contrebande et du commerce parallèle. Les réseaux occultes sont partout, jouant, constamment, à contourner toutes les restrictions mises à l’œuvre par le législateur. C’est comme si le Tunisien a profondément intériorisé durant sa longue histoire une véritable phobie envers l’autorité de l’Etat, qualifié de Makhzen puis de Hakim. Cette attitude a constamment poussé le magistrat en sa qualité de garant du droit à développer une « conscience triste » devant l’incapacité des représentants de l’exécutif à donner une suite heureuse à ses sentences (Jacques Berque, 1978).

25 - C’est aux incivilités de prendre les devants ; le langage des Tunisiens a toujours été épissé, avec une propension astronomique à se targuer d’obscénités s’introduisant bien trop souvent dans leur parler de tous les jours, depuis le décideur jusqu’au commun des gouvernés. Au lieu de parler de société civile, les juristes gagneraient énormément à orienter le débat vers toutes les formes d’incivilités commises au quotidien. La société tunisienne paraît, aujourd’hui, désarticulée à tel point que les gens semblent regretter le temps qu’ils ont sacrifié jadis à assumer leur responsabilité ! C’est comme si l’événement révolutionnaire avait donné naissance à une société incivile où les gens ne respectent pas les codes de la vie commune, celui de la route comme celui de s’acquitter de leurs obligations fiscales. Pire encore, ils paressent bien disposés à se dérober à leur responsabilité et ne se gênent guère d’offenser gratuitement autrui, sachant que personne ne pourrait avoir l’idée de les rappeler à l’ordre et mettre un terme à leurs comportements disproportionnés. (Mouhamed Karrou, 2018).

26 - Les réseaux sociaux, qui envahissent l’espace médiatique tunisien, rapportent quotidiennement des faits insolites sur des comportement névrotiques qu’on ne pouvait imaginer quelques années auparavant. Les trois espaces publics ne peuvent prétendre se soumettre aux mêmes imaginaires. Certes, il y a eu entente ou compromis entre les deux imaginaires islamiste et nationaliste, mais l’histoire précoloniale porte encore les stigmates de l’abrogation en 1864 de la constitution de 1861. Un tel détour par l’histoire devrait alerter la vigilance des Tunisiens quant à une éventuelle mise en sourdine de la constitution ou la promulgation d’une refonte systématique de ses articles.

27 - Là aussi un rappel raisonné des caractéristiques fondamentales du populisme telles qu’élaborées par Edward Shils[5] et Isaiah Berlin[6] pourrait se révéler d’un intérêt incontestable pour mieux apprécier les déchirements générés par le contexte post 2011 en Tunisie et ailleurs dans le monde aussi. Ainsi, on pourrait s’interroger à grand profit sur la véracité de la présence d’une idée organique de la société tunisienne similaire à celle de la communauté ? Du degré de confiance qu’accorde le commun des tunisiens à la société par apport à l’Etat ? De l’intention de reconstruire l’harmonie perdu du peuple avec l’ordre naturel ? De la convection à parler au nom de la majorité ? De l’orientation vers une représentation nostalgique de certaines valeurs ? Et de la tendance à se manifester dans des contextes sociaux dans lesquels des processus sont en cours de modernisation ?  Ce qui nous ramène à effectuer un retour sur le contexte spécifique de la construction de l’Etat et de l’émergence d’une identité nationale tunisienne en devenir, dont Bourguiba s’est toujours targué en réussissant à métamorphoser « une poussière d’individu en un peuple de citoyen ».           

Du local au global et vice-versa ou le populisme en tache d’huile

28 - En fait, ce qui s’est passé en Tunisie ne se rapporte pas forcement aux spécificités du contexte local. Sa portée ou son échelle nous édifie sur les conséquences d’une globalisation dont le rythme d’évolution fut qualifié par Habermas de « discontinuité aléatoire ». En suivant bien le phénomène des soulèvements et des émeutes déclenchés depuis 30 ou 40 ans et qui ont connu une accélération au cours des dix dernières années un peu partout dans le monde, on se rend à l’évidence que les mécanismes sont strictement les mêmes. Souvent c’est à la suite qu’une bavure policière se soldant par le décès d’un manifestant, que la mèche est allumée, (l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi en Tunisie et, récemment, l’interpellation musclé causant la mort par strangulation de Georges Floyd aux USA) qui va mettre le feu à la poudrière.

29 - Ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est avant toute autre chose, l’imaginaire du soulèvement qui va ordonner en se déclenchant une rupture aléatoire dans un trend ou dans un parcours, que personne ne pouvait prétendre décrypter à l’avance. Ainsi, le phénomène des soulèvements qui a une portée mondialisée représente un élément essentiel dans l’explication de ce qui est en train de se reproduire un peu partout dans le monde. De telles secousses ont complètement renversé le cours de l’histoire, toute intervention ne peut que raviver l’ampleur de l’incendie. Et c’est exactement ce que les régimes en place n’ont pas pu entrevoir.

30 - Ces discontinuités aléatoires ne se sont pas arrêtées aux soulèvements ; elles touchent aussi le processus transitionnel, même si les choses ne se présentent toujours pas de la même façon. Les gouvernements qui se sont suivis depuis les élections de 2014, s’ouvrant pour la première fois en Tunisie sur une ère de stabilité et réalisant un précédent historique traduisant dans le fait l’alternance démocratique, ne sont porteurs d’aucun horizon, depuis les chefs du gouvernement qui ne viennent pas des partis qui ont gagné les élections jusqu’aux ministres nommés presque exclusivement pour former une majorité parlementairetrès vite mise en difficulté. Ce qui nous incite à nous poser des questions quant à la réalité des changements qui ont véritablement touché la vie politique tunisienne (Mohamed Kerrou, 2015). 

31 - Les Tunisie post 2011 est certes sortie définitivement des explications qui prévalaient jadis, toutes basées sur une interprétation cartésienne influencée par une attitude marxisante. Le paradigme de discontinuité aléatoire ne nous a pas permis seulement de décrire ce qui s’est passé en Tunisie. Sa généralisation nous invite à accorder plus d’importance à la pluralité des lectures, à la pluralité des opinons et à leur ouverture. D’où l’intérêt de sortir des explications qui ne permettent pas de s’ouvrir sur la pluralité des espaces publics.

32 - La démocratie participative paraît, après une décennie de crise profonde et l’avènement impromptu de la pandémie du Covid-19, dans l’incapacité d’ordonner la vie politique. Ces défenseurs ont beaucoup de mal à juguler les travers causés par la mondialisation galopante, la délocalisation des industries, la précarité du marché de travail, l’économie parallèle, les réseaux occultes et l’importance grandissante des groupes d’influence ou lobbys ne trouvant pas de difficulté à imposer leur façon de faire aux décideurs politiques et à phagocyter l’intégrité des Etats (Hakim Ben Hamouda, 2020). 

33 – Aujourd’hui, le monde paraît en phase de donner naissance à une nouvelle carte avec de nouveaux acteurs géostratégiques, comme si l’empire du monde libre vit ses ultimes soubresauts, laissant la porte ouverte à l’offensive d’un empire du milieu aux pratiques autoritaires affichées et une vision numérique chaotique utilisant la cyber révolution pour une mise à pas des individus. Le monde interconnecté de naguère ne propose hélas aucune prise en charge des difficultés inhérentes à la modernité et parait incapable de traduire dans la réalité son engagement ferme pour construire un futur solidaire de l’humanité (Edgar Morin).    

34 Une telle évolution a contribué à saper la confiance des électeurs dans les mécanismes de la démocratie participative et dans la prise en charge par les acteurs politiques de la complexité des problèmes vécus au quotidien. C’est la raison pour laquelle ils paressent complètement déconnectés de la scène politique pour se voir remplacer -nivellement par le bas oblige - par les représentants des courants politiques inféodés aux pratiques populistes, jouant la carte de la trahison des élites afin de pouvoir gagner la sympathie des activistes ancrés à l’extrême droite et s’aventurant ainsi à semer la haine et à amplifier les conséquences désastreuses de la fracture sociale, ce que nous pouvons d’ores et déjà constater en scrutant les thèmes récurent et les plus en vogue dans l’écriture romanesque et la création artistique traduisant toutes les formes de peurs ou de dystopies engendrées par la précarité du monde de travail et l’hypothétique équilibre des conditions de vie sur une planète par trop meurtrie.

35 – Il est donc indéniable que la question à laquelle on devrait trouver une réponse ne peut tourner qu’autour de la capacité des sociétés démocratiques à juguler les effets négatifs de la crise. La transition tunisienne est en passe, croyons-nous, de traverser une zone de grande turbulence, même si les espoirs portés par le plébiscite présidentiel et la composition dans la souffrance d’un gouvernement socio-centriste, paraissent plaider pour une nouvelle donne politique. Mais cette évolution restera, somme toute, tributaire d’un remaniement de la constitution et un changement du code électoral, auxquels personne n’est réellement et objectivement préparé.

36 - C’est qu’en Tunisie l’exercice de la politique n’a pas suffisamment muri pour engendrer de nouvelles forces traduisant, dans les faits et dans les actes, la diversité des espaces publics et à même d’arrêter définitivement la reproduction des clivages d’antan. La preuve, s’il en faut, nous la retrouvons dans l’ineptie caractérisée de l’ARP (Assemblée des Représentants du Peuple) dont le président ne dédaigne guère d’afficher sa sympathie pour un « erdoganisme » excessif, autoritaire et populiste, célébrant la supériorité de l’Islam modéré dit démocratique, digne héritier d’un âge d’or d’un Islam conquérant. Alors qu’en réalité, la dérive totalitaire de l’Etat turc est intimement liée à l’étendue exponentielle du populisme sur le plan planétaire.

37 Pour tracer à grands traits une parallèle de la dérive de la démocratie à la dictature, nous gagnerions assurément pour la situation controversée qui est la nôtre, à lister certaines étapes suivies par le président turc Erdogan pour passer d’une personnalité insignifiante à un tyran monstrueux balayant sur son chemin les valeurs de toute une société (Ece Temelkuran, 2019). Une telle transformation pourrait se décliner pour le paysage politique tunisien actuel, si nous accordons foi aux analyses les plus pertinentes (Mohamed-Salah Omri, 2020), selon le scénario suivant :  

-        Instaurer un courant rassemblant ceux qui prétendent représenter les damnés du système (Mouvement du Peuple des Citoyens, Mouvement du Peuple Veut, Coalition al-Karama en plus d’Ennahdha pourvoyeur d’un tel courant).

-        Culpabiliser la pensée libre et mobiliser la masse des ouailles autour de concepts mystificateurs comme « les orphelins de la France », « zéro virgule », « où est le pétrole ? », « la gauche sectaire » … etc.

-        Présenter ses opinions d’une manière violente et comme étant l’expression d’une volonté populaire (achaab yourid) quintessence de la vérité absolue.

-        Noyauter les institutions judiciaires et exécutives pour les rendre malléables.

-        Façonner un citoyen spécifique pour faire de lui un pseudo-héros croyant détenir la vérité tout en prétendant être le vrai Tunisien, le révolutionnaire authentique et l’héritier patenté du mouvement réformateur.

-        Stigmatiser l’UGTT et la prendre pour le creuset des disfonctionnements, tout en refusant de donner la moindre importance à la critique des contradicteurs. Et ce pour pouvoir bâtir une nation autour de l’idée d’un chef suprême et soutirer le pays de la main des intellectuels, traqués comme les responsables de la décadence « Nakbetna fi nokhbetna » (notre catastrophe réside dans notre élite intellectuelle).

38 - Une différence entre les deux tableaux turc et tunisien doit, tout de même, être relevé. La démarche est accaparée, en Turquie, par le président Erdogan et son parti politique, alors qu’elle est dispersée en Tunisie entres plusieurs entités, toutes issues de l’Islam politique et du populisme de droite profitant d’une société disloquée entre un parlement rivalisant de populisme avec la présidence de la république et un gouvernement obligé à valser entre les deux pour faire capoter toute triangulation.

39 - Les circonstances exceptionnelles inhérentes à la pandémie ont fini par accorder, temporairement, au chef du gouvernement les pleins pouvoirs afin qu’il puisse faire face à la propagation de l’épidémie. Mais une telle délégation exprime aussi un aveu d’échec qui en dit long sur le degré d’irresponsabilité des élus traumatisés de devoir assumer dans les actes leurs choix politiques. C’est aussi un indice patent de l’incapacité du législateur à gérer rationnellement la complexité des différences.

40 – Faisant écho à une telle situation et dans un registre complémentaire, la Présidence de la République n’a eu de cesse, depuis l’élection de Kaïs Said, de marteler avec insistance son attachement à la volonté du peuple, comme si elle s’apprêtait à hâter les mécontentements et dresser « le bon peuple » contre ses détracteurs. Démarche tout aussi populiste que celle d’une grande partie des élus de l’ARP préparant le terrain pour la dissolution de l’Assemblée des Représentants du Peuple et le passage à un référendum flanqué d’une aussi nécessaire que salutaire réforme constitutionnelle. L’insuffisance législative implique à terme une modification de la constitution qui se fera, au dire du président de la république, à temps.

41 – Kaïs Said reste fidèle en tout cela à sa stratégie populiste annoncée tapageusement depuis son élection en octobre dernier. Le concept mobilisateur de « souveraineté populaire » est une condition nécessaire pour la radicalisation souhaitée. Sachant que la construction du peuple et le clivage entre vrai et faux peuple sont des éléments essentiels de la stratégie populiste jouant sur l'affect et manipulant les émotions. Ce qui permet de "cultiver la rage et de susciter la colère pour maîtriser la foule/la masse". (Pierre Rosanvallon 2020)

42 - En somme, la révolution tunisienne a commencé dans le Centre-Ouest de la Tunisie (dans les gouvernorats de Kasserine et de Sidi Bouzid) pour pérégriner, avec plus ou moins d’ampleur et de réussite, entre l’Egypte, la Syrie, l’Algérie, le Maroc, la Lybie le royaume du Bahreïn, Israël, la Chine et les Etats-Unis d’Amérique, d’où sa portée résolument globalisée. Cela étant, il ne faut surtout pas perdre de vue qu’il s’agit là d’un cycle qui n’est qu’a ses premiers balbutiements et qu’il est fort probable que cela puisse s’étendre sur des décennies. L’historien anglais, Eric Hobsbawm avait considéré que le vingtième siècle a pris fin en 1989 après la chute du mur de Berlin. Il est donc fort probable que le vingt-et-unième siècle a commencé tôt dans le temps et que la révolution tunisienne a représenté, probablement, l’un des événements marquants de son histoire. (Éric J. Hobsbawm 1999)

43 - Un tel retournement de situation qui continue à avoir une portée planétaire est certes annonciateur d’une nouvelle donne, même si on ne peut escamoter le fait que ses soubresauts d’indignation sont en train de se dérouler dans un contexte régional et international particulier. Ce contexte imprégné de populisme exacerbé et dont l’attachement aux conservatismes et à l’aveuglement donne froid au dos, rappelle curieusement, à tous ceux qui acceptent un tant soit peu de dépasser les effets de vitrine, la monté des idées fascistes et des idéologies belliqueuses qui marquèrent, désastreusement, la première moitié du siècle précédent.            

44 - Pour conclure, nous n’insisterons jamais assez sur une bien probable « transition conservatrice » de la Tunisie post 2011.  Les multiples facettes que nous avons essayé de décrire, pour rendre compte de la complexité de la réalité politique imprégnant notre présent et probablement notre futur aussi, (bâtardise d’une rupture révolutionnaire, populisme local en chantier et populisme global en tâche d’huile) plaident toutes pour une urgente mise en place d’une gestion rationnelle de la diversité des espaces publics. La place donnée aux affects ainsi que l’exacerbation sous-jacente des pratiques, que nous n’avons pas dédaigné de qualifier de populistes et qui paraissent damer le pion à un apprentissage serein des formes d’alternance au pouvoir, nous laissent résolument perplexe quant à l’éclosion d’un brand démocratique de facture endogène, qui serait le digne héritier d’un processus réformiste tunisien engagé, certes d’en-haut et d’une manière autoritaire, depuis deux siècles.      

 

 

Bibliographie générale

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Lotfi Aïssa 2019, Chroniques des tunisiens : Retour critique sur les récits évoquant les appartenanceset les origines, (ar) Ed., Meskiliani

Iyadh Ben Achour, 2014, « Le compromis historique entre « Etat civil » et religion dans le néo-constitutionnalisme arabe post-révolutionnaire », Le blog de Yadh Ben Achour, dimanche 7 septembre.

Éric J. Hobsbawm 1999, L'âge des extrêmes : le court vingtième siècle, 1914-1991. Bruxelles, complexe.  

Hélé Béji 2011, « Saint Bouazizi », paru dans le nouvelobs.com livraison du 9 janvier 2011.

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Roger Chartier, 2012, « Portrait Roger Chartier : Traces, pratiques de l’écrit, pratiques de l’histoire », Circé. Histoires, Cultures & Sociétés, no 1. Portrait réalisé par Moniati Abdou Chakour et Pauline Thiberville.

 Michel De Certeau, 1990, L’invention du quotidien. 1. Arts de faire. Paris, Editions Gallimard. Folio essais.  

Jean Corbin avec Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello 2016 - 2017, Histoire des émotions de l’Antiquité à nos jours, Paris, Seuil, en 3 volumes. 

Cornelius Castoriadis, 2008, L’imaginaire comme tel. Ed., Paris, Arnaud Tomès

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Houcine Jaïda, « Le populisme un élément structurel de la démocratie, depuis…25 siècles », article paru dans la revue Leaders, livraison du 19 / 10 / 2019.

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Mohamed-Salah Omri, 2020, « La Tunisie et les filets du populisme autoritaire », article paru en langue arabe dans le quotidien al-Maghrib, puis traduit par Koutheir Bouallegue et publier dans la revue électronique et citoyenne Nawat, livraison du mercredi 13 mai. 

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Ece Temelkuran, 2019, Comment perdre un pays, de la démocratie à la dictature en sept étapes. Paris, Stock, Collection Essais.

 

Notice biographique 

Agrégé d’histoire et docteur d'État ès lettres. Lotfi Aïssa est, enseignant à la fshst depuis 1989, est professeur d'histoire moderne à l’université de Tunis depuis 2009, membre du Comité tunisien d'évaluation des recherches scientifiques au MES, président de la Commission Nationale Sectorielle d'Histoire, de la Commission du Doctorat et de l’Habilitation universitaire et du Jury National d’Agrégation d’histoire à la fshst.

Directeur du département d'histoire dans la même faculté entre 2005 et 2008, il a dirigé en 2009 l’école doctorale « Structures, systèmes, modèles et pratiques en lettres et en sciences humaines et sociales » Il est aussi membre des comités scientifiques de plusieurs revues spécialisées en sciences humaines, sociales et politiques (Revue Tunisienne des Sciences Sociales, Cahiers de Tunisie et Revue Tunisienne de science Politique). Par ailleurs, il est lauréat en 2019 du prix Tahar Haddad pour les recherches en humanités, décerné à l’occasion du 35e édition de la Foire internationale du livre de Tunis. Ses travaux de recherche portent sur l'histoire de la sainteté ainsi que sur l’histoire culturelle maghrébine comparée, à l’époque moderne et contemporaine.  

 



[1]  L’appel au peuple des pauvres à l’action politique impliquant un certain acheminement perçu comme juste et méritant est éminemment présent depuis l’aube de la pensée politique islamique. Dans plusieurs de ses écrits le juriste Iyadh Ben Achour passe par un rappel historique des Ghifariya se référant au compagnon du prophète Abu Dharr al-Ghifari qui prônait que seuls les pauvres, abandonnant bien et richesse, gagneraient le droit au paradis. De telles allégations finnisèrent par provoquer de graves troubles sociaux au cours du règne du troisième calife ‘Uthman, le poussant à exiler ce célébrissime compagnon du prophète loin de Médine.  

[2]  Ferdinand Tönnies (1855 – 1936) sociologue et philosophe allemand auteur de Communauté et société paru en 1887 et réédité en 1912.  

[3] C’est toujours A. Zghal en chevronné sociologue de l’espace maghrébin qui a forgé le concept de « sécularisation muette » de la Tunisie au cours des deux époques moderne et contemporaine.

[4] Avoir un logement décent et un niveau de vie qui ouvre l’accès de leur progéniture à une bonne éducation.

[5]  Edward Shils (1910 – 1995), sociologie influant et professeur à l’université de Chicago, ses travaux ont porté sur le rôle des intellectuels et leurs rapports au pouvoir et aux politiques publiques.   

[6] Isaiah Berlin (1909 - 1997) philosophe politique et historien des idées sociales et politique en Occident.