"La vigie de la vie" (article écrit par Gil Pressnitzer)
Qu'est-ce
donc que la poésie ? Un feu de camp abandonné, qui fume longuement dans la
nuit d'été, sur la montagne déserte. Retrait du monde et de moi-même, Souvent
je l'ai entendu germer dans la pierraille de la montagne, Le grondement muet
dont naîtra le tonnerre. (Le Grenier magique)
Que reste-t-il de nous quand le temps se
retire ?
Maintenant le temps se retire pas à pas,
goutte à goutte de Claude Vigée, et de sa vie errante, des greniers débordants
de sa mémoire, il fait un tas. Lui l'admirateur et le traducteur de Rilke, il
sait qu'il fallait laisser mûrir la mort en lui. Il est désormais prêt, surtout
dans le deuil de la disparition de sa compagne Evy le 17 janvier 2007. La buée
des choses ne peut se confondre avec les larmes, il attend sur le seuil que ses
cris lui reviennent. Nimbé dans la lumière, lumière de sa vie, lumière de ses
mots, il semble un témoin de l'éternité : « un peu de cendre blanche
sur la langue muette ».
Souvent le doute est présent ne se sachant
rien d'autre « qu'un papillon affolé voltigeant dans la nuit », et la
vanité du passage des mots et la certitude de naître promis aux feux de l'agonie :
Être poète pour que les hommes vivent
Sur
l'infime épaisseur des mots nous patinons à reculons depuis l'enfance ;
nous chantons, nous dansons vers l'infini sans regard et sans nom.
Parfois l'espérance, la folle
espérance :
« Quand nos yeux s'éteindront,
d'autres verront le monde : Tout ira bien ainsi. Rien ne sera perdu De la
grande lumière au-dessus de la terre : Car c'est elle qui compte, rien
d'autre. Et le regard D'un homme au petit jour sur les montagnes
saintes. »(Nev »
Shaanan, 1961 Les noces d’Amnon et de Tamar).
De toutes ses forces de tous ses textes il
aura voulu repousser l'oubli, délier la fatalité. Plus que le défi du poète, il
s'agit du défi de l'homme. Gorgé de métaphysique, de profonde culture juive,
Claude Vigée sait les mélodies de l'exil, l'holocauste infligé par l'Europe aux
juifs, l'amer savoir de survivre et de vivre.
Pour cela il sera poète et juif :
« Jacob et poésie ont le même destin
Être juif et poète c’est tout un ». Marina Tsvetaeva ne disait rien
d'autre.
Pour lui être juif cela signifie cette
alliance : <
Pour
moi, être juif c'est d'abord participer à la mémoire du commencement du monde,
puis à sa lente, sa dure rédemption à travers le temps de l'histoire, en
associé loyal, responsable et passionné du Créateur. C'est se souvenir
bizarrement de la totalité de la création comme si l'on y assistait en cet
instant même. C'est partager la connaissance de l'ensemble mouvant des choses
depuis la nuit des origines, en y jouant le rôle d'un confident, d'un complice,
d'un allié par filiation directe, depuis Abraham notre père et ses descendants
quelquefois demeurés fidèles.(entretien
avec Robert Masson)
Il sait ce qui l'a sauvé : « Je
suis avant tout un poète. Ce qui m’a maintenu, c’est l’écriture de ces poèmes
et la continuité de moi-même que l’effort de création exigeait à tout
moment. »
L'écriture n'est pas seulement vitale pour
lui, elle le fait vivre. Il ne voulait « pas être changé en statue de
sel », être enterré vivant dans le silence.
Claude Vigée est issu d'une famille juive
alsacienne. Il est né le 3 janvier 1921 à Bischwiller, et il passe son enfance
en Alsace. Chassé par la guerre, il séjourne quelque temps (1940 - 1942) à
Toulouse. Il assume alors totalement sa judaïté, trahi par ses
« co-patriotes ». Les toulousains devraient se souvenir de ce jeune
homme qui, la nuit suivait les cours du rabbin de la synagogue de la rue
Palaprat, toujours en activité, au risque de sa vie. Engagé dans l’Action juive
et la Résistance, il est dénoncé et doit fuir.
Il se réfugie aux États-Unis au début de
1943. Il y poursuit des études de littérature et devient professeur de
littérature française à l’université de Brandeis, près de Boston.
Entretemps, en novembre 1947, il a épousé
Evy Meyer, sa cousine germaine, née à Seebach, village tout proche du sien.
En 1960, il s'installe en Israël où il
occupera le poste de littérature française et comparée à l'université de
Jérusalem jusqu'à sa retraite en 1984. Il va y vivre quarante ans avant de
revenir à Paris et reprendre parfois le chemin de Jérusalem, tisonné ses
souvenirs.
Lui l'alsacien profond déployé entre
Bischwiller ou Jérusalem, il a su « danser sur l'abîme » et nous
dire ceci :
«...Pour vivre à l'échelle humaine dans le
tourbillon de ce nouveau millénaire, et en dompter la violence démesurée, j'ai
tenté, comme chacun d'entre mes frères, de demeurer toujours égal à mon plus
intime découragement, - sans le calomnier, sans le nier par couardise ou par
frivolité gratuite. Partout, à toute heure, sachons ensemble faire face à la
tristesse, là même où elle va l'emporter aujourd'hui en moi ou en autrui. Ne
sommes-nous pas un peu trop vite consentants, par une lâche indifférence, au
malheur d'exister dans ce monde sans pitié ? Pour perdurer ici-bas, le
grand art, c'est de savoir rire en pleurs dans cette danse avec la tristesse,
comme avait osé le faire jadis Mozart, ce maître en-folie génial porteur d'une
très haute sagesse, aux heures les plus sombres et les plus lumineuses de sa
brève existence, restaurant en nous tous, qu'il sauve du mal d'être séparés, la
plénitude joyeuse du cœur, vécue et assumée dans son secret
déchirement. »(Danser sur l'abîme 2004).
Il a donc vécu au plus haut de l'échelle
humaine, lui le juif français d'Alsace, - « donc doublement juif et
doublement alsacien » -, qui a fui le nazisme pour les États-Unis avant de
s'installer en Israël et revenir vivre à Paris depuis 2001. Amoureux des
collines de Jérusalem, fasciné par le divin, il est une vigie de la vie,
chantant du milieu de la vie.
Homme de cinq langues, l'allemand, le
français, l'anglais, l'hébreu, l'alsacien, et même du judéo-alsacien et de
l'espagnol, il sait le danger de la langue de la Tour de Babel, le danger du
chaos, mais aussi le pont jeté entre les mondes, ouverture vers l'universel.
Mais lui ne lutte pas contre le verbe, il
lutte comme Jacob contre l'ange.
Déjà fier de son prénom claudiquant, -
"« On avance dans la vie en boitant » -, Claude, il change son
nom de Claude Strauss en Claude Vigée « vie j’ai »! Et ce pacte passé
avec la vie, il le portera toujours : Vigée a la vie.
Et à partir de cette acception du vivre,
il pourra entreprendre sa quête du sens, poète et témoin.
Je
boite mais je vis… et ça m’aide à comprendre que la création n’est pas finie,
qu’elle est imparfaite.
Paroles et silence
Sa lecture s'éclaire à la double lueur de
sa spiritualité juive et de ses filiations poétiques (Rilke, Celan, Saint-John
Perse, Goethe....) ou d'amitiés profondes (Albert Camus,...), mais aussi de son
profond enracinement dans le sol alsacien. Fidèle aux origines, irrigué par ses
héritages, il est lumière. Il porte en lui les palpitations des mots de la
Bible, la volonté de transmission et de partage. Croyant, mais non orthodoxe,
refusant de « devoir se plier à un Dieu qui dit : tu dois », il
est un grand interprète des textes bibliques dans lesquels il se ressource.
Le
nom de Dieu est peut-être et ce que j’ai à dire est de cet ordre-là, pas plus,
pas moins, le reste, gageure, folie, danse.
Et il aime citer cette blague hassidique
« Dieu seul sait tout, mais un bon juif le sait encore
mieux ! ».
Cette âme juive dont il est pétri, il la
définit ainsi :
« Constituée d’une confiance et d’une
espérance. La confiance absurde de traverser par hasard, chance (ou bénédiction
de Dieu malgré tout), les épreuves, les persécutions, les pires malheurs, tout
en appelant le Seigneur à renouveler nos jours, comme à l’Orient du temps,
comme à l’aube du monde ».
Homme anéanti par la disparition de sa
compagne, il ne peut que questionner l'implacable sans renoncer à transmettre
la vie :<
Les
jeunes morts d'hier soir se souviennent-ils encore des vivants
d'aujourd'hui ? Leurs âmes sont de grands yeux blancs qui, comme les
aveugles, ne voient plus que du noir.
Il sait que « toute vie finit dans la
nuit ». Mais au plus près du lieu nu de l'origine, il n'oublie pas
« les enfants singuliers, frères de lait, frères de mai, venus de nulle
part, oh mes ombres aimées de jadis, surgies dans la lucarne obscure comme dix
rangs de pommiers droits et ronds plantés vifs dans la tapisserie volante de
l'espace. »
Car sa glaise matricielle demeure sa terre d'Alsace, sa sagesse dans la tradition hébraïque. Et il célèbre la lumière du monde :
Car sa glaise matricielle demeure sa terre d'Alsace, sa sagesse dans la tradition hébraïque. Et il célèbre la lumière du monde :
« Bien que le combat soit sans espoir
car son issue est fatale, il faut le mener malgré tout, au détriment d’un
égoïsme vulgaire, pris dans une sorte de folie d’être encore, soulevé sans
raison par la joie d’exister contre vents et marées, en défiant par le rire
spontané tout espoir de vaincre superflu ». Toute vie finit dans la nuit, Entretiens,
Parole et Silence, 2007.
Claude Vigée semble se glisser dans sa
propre absence, et rôder dans sa mémoire en ruminant l'inacceptable et pourtant
inéluctable.
Mais au-delà du deuil Claude Vigée nous
laisse ses traces de paix et de scintillement :
Si mes poèmes, mes récits, mes témoignages vont servir à quelque chose, n'est-ce pas à nous frayer un sentier vers le lieu de la confiance première ? Et puis à forer, par un rebondissement inouï, l'autre chemin, contraire mais parallèle ; un chemin qui serait le frère jumeau du premier. Celui de l'ouverture au temps et à l'espace habités de ce monde, au sein duquel nous nous enfonçons comme un fleuve s'écoule vers l'océan, en y répandant au passage la semence de ses grandes eaux qui étincellent dans le soir montant, et fécondent librement le ventre de la terre. Dans le silence de l'Aleph.
Claude Vigée est espérance et espérance,
son œil bleu regarde avec tendresse le monde malgré sa violence, mais il
n'oublie pas ceci :
Choix de textes
Les
pas des oiseaux dans la neige
Deux étoiles filantes
sur la montagne obscure :
déjà leur cœur de braise
agonise et s'éteint.
Que reste-t-il de nous
quand le temps se retire ?
à peine une buée, ce souffle qui s'efface
sur le miroir brisé.
L'œil ne suit que la trace
du vent dans les nuées;
Et pourtant nous y danserons,
chanteurs au bec léger,
crânes d'oiseaux en fête
aux frêles osselets
déjà remplis de rien :
un peu de cendre blanche
sur la langue muette.
Le
dernier espoir
"Le
nom de Dieu est : Peut-être." (Tikkounéi-Hazohar 69)
Que reste-t-il de nous deux à la fin,
sinon peut-être
Ce maigre feu de broussailles mal éteint
qui fume encore tout bas en hiver certains
soirs
entre deux souches de saules gris et
noirs,
derrière le petit-bois de sureaux et de
hêtres
enseveli par les lourds marais du
Vieux-Rhin
sous un linceul de lune, dans l'éternel
brouillard.
(printemps
2004)
Petite
musique d'automne
On va chiper des pommes
on va gauler des noix,
par-dessus les rigoles
les chats font de grands sauts ;
raidissant leurs pattes mouillées
les chiens transis marchent sur des
échasses,
dans les fossés pleins d’eau hoquettent
de bonheur les derniers crapauds :
l’averse tombe des nuits entières
sur le sol gras du cimetière -
silencieusement il pleut, l’automne,
dans la bouche des jeunes morts...
Extrait
de Aux portes du labyrinthe, Ed. Flammarion 1996
L'amandier
sous la lune
La semence nocturne a mûri dans ma tête,
dans mon nom j'ai scellé l'inconnu sans
visage.
Croyant saisir le fruit, l'insecte,
l'arc-en-ciel,
et sucer dans le roc l'huile vierge ou le
miel,
j'ai glissé vers la nuit sur le miroir des
sons :
l'écureuil encagé tourne seul sur sa roue,
au fond du puits rit le silence
où l'abîme s'ébroue.
Sur l'infime épaisseur des mots nous
patinons
à reculons depuis l'enfance; nous
chantons, nous dansons
vers l'infini sans regard et sans nom.
À peine un éclair sur la glace,
dans une poésie est inscrite la trace
de l'oiseau qui raya la fragile surface.
Parfois je crois surprendre un écho dans
l’oreille
de ces mots murmurés,
que des voix de jadis, depuis longtemps
perdues,
disaient presque en silence :
ainsi suinte la pluie de campagne en
automne
à travers les feuilles mortes, avec tant
de patience,
à la lisière du petit-bois de chênes gris
et touffus
où le Ruisseau-Rouge chuchote,
puis elle s’enfuit goutte à goutte dans la
terre,
à pas de souriceaux, comme fait la
semence,
par le chemin profond, la sente aux orties
noires.
Extrait
de Les orties noires, Flammarion 1982
L'Art
de la fugue
Mourir, c'est retrouver la terre désirée,
S'endormir dans les eaux de l'origine,
Téter le sein nourricier de la nuit.
Mourir, c'est embrasser le monde
bien-aimé.
Qui n'aime pas devient
La lande abandonnée.
Qui ne s'est pas ouvert
Sera pierre fermée.
Qui méprisa rejoint
La cendre secouée.
Mourir, c'est perdre pied sur le bord de
l'écueil,
Puis chavirer dans la mer étrangère :
S'enliser dans le marais du silence.
Mourir, c'est passer dans le monde
mal-aimé.
Chaque homme se destine
A la mort qui lui plaît.
Mourir, c'est s'accomplir,
Mourir, c'est s'engloutir.
La mort est ta patrie,
La mort est ton exil.
Mourir, c'est devenir le monde où tu
vivais.
Extrait
de La Corne du Grand Pardon, Ed. Pierre Seghers 1954
Le
défi du poète
Chus dans le puits creusé sous les
cristaux du ciel,
nous revêtons au monde une tunique rouge
tissée avec la glaise opaque de l'oubli.
Si le cœur aimant parle au cœur
il n'a nul besoin d'une bouche:
l'oreille ouverte lui suffit.
Comme un noyau de feu pulsant dans l'ombre
verte,
j'écoute rire encore au plus vif de ma
chair
la source rayonnante et noire de tous les
moi.
Qu'est donc lire un poème ? C'est
voir danser ma voix
pour entendre tes yeux chanter avant les
mots
en miettes d'autrefois, dans nos lettres
muettes.
Par le chant nous brisons l'amère nuit
d'attente :
mais il sera toujours temps de nous taire
quand nos bouches béantes seront bourrées
de terre.
Lorsque Satan déchu rêve d'amour au bagne,
il joue à qui perd gagne son âme d'ange
triste
que brûle, en la glaçant, le feu de
l'améthyste.
« Qui me détruit, sinon autrui ?
Je ne suis qu'un vieux clown rieur,
trop plein de pleurs à l'intérieur.
Mon esprit souterrain, en quête de
l'éveil,
dans l'épaisseur sourde du roc souffre
et creuse sa nuit ».
(
2004)
À
bout de souffle rit l'extase
I
À travers les mélodies d'exil captées dans son miroir
que la lune errante tisse avec le silence,
se trame et se dénoue le jeu de la
question.
Elle demeure sans réponse, et pourtant
revient et perdure
comme font les dix voix ailées d'une fugue
noire de Mozart :
plaie lancinante creusée dans l'éclat
minéral
de la parole glacée, - celle qui éblouit
et divise
le cœur resté sans dieux, abandonné au
vide, fuyant
toujours ailleurs qu'au ciel. Où cesse le
désir d'un homme ?
L'infini nous épargne peut-être par pitié.
II
Avec la lune qui danse derrière la fenêtre
ouverte,
soulevée par la respiration du large
fleuve nocturne
au souffle haletant, renouvelé sans nul
repos de la pensée
comme s'aère le poumon d'une jeune
nageuse,
me voici porté vers l'avant par ce flux
surgi de l'amont indicible,
offert au battement sourd de la rivière
souterraine
à travers la boue restée vivante malgré
tout.
Et retraversé par la lumière des
profondeurs
jusqu'au dernier murmure : le mal-être
divin
où l'agonie se transfigure en musique
miraculeuse.
Oui, malgré tout flambe sur nous dans le
ciel opaque en hiver
le nuage blessé du soir, l'Ève pétrie
d'argile et d'eau de source ardente
qui chante sans espoir l'amer savoir de
vivre.
III
Toujours la lumière sans défense cachée au
cœur du buisson
jette sa transparence de beauté noire
sur tant de jeunes morts à la voix oubliée
cendres terrées en nous sans noms et sans
visages.
Est-ce pour nous permettre de dire à leur
place
une seule fois encore : bouvreuil,
perce-neige, écureuil ?
Pourtant nous n'avions nulle chance de gagner
à ce jeu de mots pipés d'avance par la
tristesse :
vaine est, pauvre poète, l'enflure de ta
voix,
inutile sa dissonance ! À bout de
souffle rit l'extase.
IV
De retour enfin au lieu nu de l'origine
où se tissent les nœuds défaits du temps,
de retour
dans les maisons désertes assises aux
frontières
où fleurissaient les enfants singuliers,
frères de lait, frères de mai, venus de
nulle part,
oh mes ombres aimées de jadis, surgies
dans la lucarne obscure
comme dix rangs de pommiers droits et
ronds
plantés vifs dans la tapisserie volante de
l'espace.
V
Persiste une faible pulsation de lumière
verte
égarée dans la neige, comme une trace où
s'allument
la joie et la détresse qui peuplent cette
vie unique.
Au détour du chemin, Partout, nous
guettons le chaos :
mais jamais nous ne serons de sa
compagnie.
dans notre fragilité extrême, l'ultime don
du corps,
à la lueur naïve qui, d'esprit, le
couronne.
Jusqu'à sans fin nous resterons, vieux
jardiniers de l'avenir,
fidèles à la rose blanche qui empourpre nos
nuits.
(mars
2004)
L'adresse
égarée "Je rumine l'implacable."
Chaque soir j'attends encore,
en retenant mon souffle,
le léger frôlement de la porte qui s'ouvre
comme elle fait tous les soirs, chez nous,
depuis soixante années,
dans la pénombre amie du corridor.
Mais rien ne bouge là-dehors,
Evy ne revient plus chez nous, à la
maison ;
en vain j'écoute encore un peu,
chaque soir, en silence.
Comme c’est étrange : les morts de
l'ancienne saison ~
oublient donc de rentrer ?
Ont-ils perdu l'adresse ? différé le
retour ?
Seraient-ils donc distraits, au point de
ne plus vivre ?
Malgré mon désarroi d'enfant abandonné,
tous les matins sa place au
petit-déjeuner,
à table devant moi, dans la clarté muette,
reste une chaise, dos au mur : sans
bouger, vide et nette.
Paris,
le 16 février 2007, veille des Sheloshim - un mois après la mort d'Evy.
Poème
paru dans la Revue Temporel n°3
Bibliographie
La
lutte avec l'ange (1950) L'Harmattan réédition 2005.
La
corne du grand pardon (1954) Seghers.
L'été
indien (1957) Cerf ,
Paroles et silence 2001.
Paroles et silence 2001.
Le
poème du retour (1962) Mercure de France.
Le
passage du vivant, Ed. Paroles et Silence, 2001.
Dans
le creuset du vent, Éditions Parole et Silence, Paris juin
2003.
Danser
vers l’abîme, Ed. Parole et Silence, Paris décembre
2004.
Les
Orties noires (poèmes et proses), Flammarion, 1984 - réédition Ed.
Oberlin 2001.
Être
poète pour que les hommes vivent ( 2006).
Le
Soleil sous la mer, Anthologie des poèmes sur la période 1939 - 1971, Flammarion
1972 .
La
lune d'hiver 1970 Honoré Champion 2002.
Un
panier de houblon tome I, La Verte Enfance du monde, J.-C.
Lattès, 1994. tome II,
L'Arrachement, J.-C.
Lattès, 1995.
Les
portes éclairées de la nuit (Cerf, 2006).
Toute
vie finit dans la nuit - dialogue avec Yvon Le Men , (Editions Parole et
Silence, (mai 2007)
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