mardi 20 octobre 2015

Angélique Mounier-Kuhn, Tunisie : l'audace du printemps. Editions Nevitica, Collection L’Âme des peuples, Bruxelles octobre 2015











"La Tunisie a toujours été écartelée entre Occident et Orient"  
Entretien avec Lotfi Aïssa* 


   

Avec toutes les civilisations qui s'y sont succédé, chacune laissant sa part d'héritage, l'histoire de la Tunisie est extraordinairement foisonnante. Pouvez-vous nous aider à en remonter le cours ?

Pour avoir une idée de la profondeur historique de la Tunisie, il faut partir de ses partenaires anonymes, durant la préhistoire. La civilisation capsienne est la première dont nous avons des indices patents, dans la région de Gafsa (sud tunisien), ainsi que ceux, croyance, outils et armes, qui nous viennent d'une ancienne civilisation libyque préhistorique dans la région de Béja (au nord ouest de la Tunisie).

En termes réels, l'Histoire a commencé avec les royautés Berbères – les Amazighs- entre 1500 et 1100 avant JC. Elle a ensuite pris une dimension méditerranéenne avec l'arrivée des Phéniciens à Utique, en 1100 avant JC, et la fondation en 814 de Carthage (« La nouvelle ville »), dont l'empire commercial finira par dépasser celui de la cité mère de Tyr (actuel Liban). 
Il est intéressant de se rappeler que la fondation de Carthage est liée à une légende féminine, celle de Didon, qui a pris une dimension essentielle dans l'histoire de la Tunisie. Pour se préserver en tant que phénicienne, Didon a préféré s'immoler avec le feu plutôt que de se marier avec un potentat berbère. Didon a-t-elle véritablement existé ? Nous n'en avons pas véritablement de preuves. Mais sa légende s’est cristallisée dans la mémoire collective, elle est un personnage essentiel, glorifié, auquel la femme tunisienne s'identifie bien volontiers.

Deux autres personnages de l’héritage antique de la Tunisie sont très importants, le commandant militaire carthaginois Hasdrubal Barca, qui a fondé un empire en Espagne et Hannon qui est parti explorer l'Afrique occidentale. C'est à dire qu'au 4e siècle avant JC, Carthage se met à étendre son territoire et deviendra le cœur d'un grand pouvoir impérial central, édifié en État, qui finit par étendre sa domination sur toute la Méditerranée et bien au-delà  jusqu'en Écosse appelé jadis île Colchide.

Le troisième des grands personnages, de cet empire est la personne sur qui on a le plus écrit au monde avec Napoléon Bonaparte. Il s’agit bien entendu d’Hannibal. A-t-on la certitude que son passage sur les Pyrénées a été aussi glorieux que celui raconté par les auteurs antiques ? C'est sans doute assez mythique. Mais ce qui est à retenir dans l’évocation de sa trajectoire, c'est son aptitude à la négociation. Comment ce personnage a-t-il pu négocier la paix avec les cités romaines ? Pourquoi n'a-t-il pas cherché à détruire Rome ? Il aurait pu le faire, Rome tenait absolument à détruire Carthage. Et elle a fini par avoir gain de cause, en créant un réseau d'espionnage à l'intérieur du parlement carthaginois qui a réussi à retourner l'aristocratie contre les projets expansionnistes d'Hannibal. Ce dernier finit par prendre la fuite pour se réfugier en Turquie.
En 146, Carthage fut brûlée, le sel éparpillé sur son territoire pour l'éradiquer totalement. Les Romains ont hérité des Grecs mais pourquoi ont-ils détruit une civilisation aussi florissante que celle de Carthage ? C'est peut-être déjà à l'époque une histoire de mondialisation, de routes maritimes et de rivalité commerciale : Carthage était un adversaire redoutable et un empire commercial qui régnait sur une multitude de comptoirs, il fallait à tout prix l'anéantir.

Les Romains n'en restent pas là. Ils détruisent, puis ils s'installent.

Ils ont créé une véritable dynamique de colonisation avec des colonies florissantes. Parvenus à Carthage, ils créent une province, la Proconsulaire, avoisinant la Césarienne (Algérie) et de la Tingitane (Maroc).
La Proconsulaire est la plus importante de ces trois colonies, car elle disposait des sols les plus fertiles, c'est elle qui nourrissait Rome. Carthage recelait aussi  d'un savoir faire très supérieur à celui de l'Empire. Travailler et produire, c'est le comportement du commun des habitants de la Proconsulaire. Thysdrus (actuelle El Jem), dont la richesse reposait sur le commerce de l'huile d'olive, a été la résidence de deux empereurs romains, Gordien I et Gordien II en 238 de notre ère.
A cette époque, la Proconsulaire est un véritable havre de paix au regard des turbulences que traversaient Rome. Toutes les provinces d'Occident sont en guerre, à l'exception de la Proconsulaire. Sans elle, la civilisation romaine aurait pu s’éclipser dès le 3e s, alors que l'Empire ne s'effondrera définitivement qu'au 5e s.

La Proconsulaire a apporté à Rome, mais qu'a apporté Rome à la Proconsulaire ?


L'histoire romaine n'est pas uniquement une histoire de politique, c'est aussi une histoire d'urbanisation et de romanisation, celle, aussi,  d'un rapport à la citoyenneté. Au delà du fait d’accorder un statut aux cités orientales (civitas) de l'Empire, l'édit de Caracalla, promulgué en 212, va accélérer la romanisation du territoire de l’Africa. C'est un fait majeur, une évolution sur laquelle va se bâtir la christianisation, quand la religion chrétienne deviendra celle des empereurs, sous Licinius ou Constantin I (272 – 337). L'Afrique prend d'ailleurs les devants par rapport aux autres provinces de l'Empire ; le bouillonnement culturel est tel à Carthage qu'elle en devient l'un des piliers de l’Église catholique. Ce n'est pas du tout, un hasard si un Saint Augustin fut originaire d’Afrique.

Il a ensuite fallu que nous mangions notre pain noir. Les Vandales sont arrivés, à compter de 425 après JC, et ils ont tout détruit. Une centaine d'année plus tard, le règne des chrétiens du nord, les Byzantins, s'instaure, jusqu'à la période des conquêtes arabes, au 7e s. Les Arabes vont être subjugués par la richesse de cette contrée, ses théâtres, ses thermes.... Il leur faudra cinquante bonnes années de guerre pour amadouer ces populations africaines. Contrairement à ce que certains prétendent, l'islamisation n'a pas été une tâche facile. Il y a eu beaucoup de négociation, les musulmans ont du s’accommoder de ce qui existait en Afrique du nord. Ceci explique peut-être pourquoi l'islam maghrébin est différent de celui pratiqué en orient.

La Tunisie pratique un islam malékite. Quel est-il?

Le rite malikite est rattaché au nom du juriste médinois Malik Ibn Anas (m 795). C’est l’une des quatre écoles juridique du monde sunnite musulman. Le malikisme exige une application littérale des préceptes charaïques. Tout le Maghreb, ainsi que la partie ouest du continent africain, l’ont adopté, en l’accommodant aux us et coutumes particuliers de cette aire géographique. Ce qui a fini par nous donner un corpus de jurisprudences malékites qui s’est accommodé  progressivement avec la réalité du terrain.

Les Arabes fondent Kairouan, la capitale de l'Ifriqya. Quel est ce territoire ?

L'Ifriqya est un territoire lâche dont les confins vont du Constantinois algérien jusqu'au Golfe de Syrte en Libye. L'islamisation a pris cinq siècles, c'est le temps qu'il a fallu à la Tunisie pour devenir, véritablement, une entité nouvelle, anciennement chrétienne mais désormais définitivement intégrée dans le giron de l’islam. Du 7e jusqu'au 12e s, des évêchés étaient bien présent sur le territoire tunisien, et un mélange de langues et d’idiomes latins et berbères continuaient à être largement utiliser.

Qui sont les Hilaliens, qui sont ensuite venus saccager l'Ifriqya ?

Les Hilaliens sont des nomades venus de la péninsule arabique, qui se sont déferlé sur le territoire en « horde » dont le nombre fut estimé à 200 000 guerriers. Ils ont « parait-il » tout détruit sur leur passage. Mais Ils étaient venus pour s'installer définitivement, leur accommodation avec les traditions sédentaires a pris pas moins de trois siècles.  C'est à nouveau une histoire très importante car elle prouve la patience de la population et ses facultés de  négociation, et ses capacités à approuver le vivre ensemble.
Le génie de la population autochtone, c'est de concevoir et en parallèle avec l'islam conformiste et charaïque, un islam maraboutique, encré dans le vécu collectif et plus enclin aux multiples formes de médiation et de sociabilité. Un saint n'étant reconnu au Maghreb, que s'il réussit à apporter des solutions à tous les problèmes du complexe au plus incongrus. Ce que les orientalistes ont appelé marabout est en réalité un médiateur social. Ceux qui ont islamisé les « hordes » tribales venues d’Arabie via le sud égyptien, sont les maghrébins, alors que ceux qui ont arabisé les maghrébins sont des arabes.
L'histoire de la Tunisie est un exemple de notre ambivalence culturelle. Nous sommes écartelés entre deux directions : c'est un pays périphérique qui a constamment mélangé deux centralités, la centralité occidentale, celle de Rome mais aussi de Byzance, et la centralité orientale, islamique, qui nous vient des  Omeyyades et des Abbasides, et des Fatimides (chiites), qui ont d'abord créé un État en Tunisie avant de partir en Égypte et d'y fonder Le Caire.

Après l'arrivée des arabes, la Tunisie fait l'expérience d'une certaine indépendance vis à vis de l'Orient. Et suite la déconfiture de l’empire Almohade, des îlots territoriaux, essentiellement basés sur des pouvoirs dynastiques, vont voir progressivement le jour. Il s’agit les Aghlabides, des Zirides et de la fameuse dynastie des Hafsides.

Quand s'est formée l'entité territoriale Tunisie telle que nous la connaissons aujourd'hui ?

La Tunisie telle que nous la concevons aujourd’hui, c'est-à-dire cette portion congrue du territoire maghrébin, est un legs des Turcs. En 1574, elle est devenue une province ottomane. Une province non-censitaire, ne versant pas de redevances au pouvoir central et conservant, de ce fait, une relative indépendance.

Pourquoi ce privilège ?

Parce qu'elle est une zone assez proche des infidèles d’occident. Pour les Ottomans, cette province était une frontière, donc une zone de combat. Et on ne réclame point de redevances à des gens qui combattent les chrétiens sur la frontière de l’empire monde ottoman. Sur cette forme d’émancipation territoriale vont se créer deux dynasties, la dynastie mouradite et la dynastie husseinite qui vont gouverner la Régence de 1630 à l’institution de la République en 1957. La première vient de la Corse. Les Husseinites, eux, venaient de l’ile de Candia en Crète où ils avaient intégré la soldatesque turque.
A partir d'un certain moment, les Turcs ne vont plus accepter qu'on les nomme ainsi, mais préfèrent plutôt être qualifié de hanafites, se référant ainsi, à une école juridique sunnite, qu’a une appartenance allogène revendiquée. Ils sont désormais, tunisiens, de rite hanafite. Il y a eu donc un processus  « d’indigénéisation ».

Les Turcs ont apporté trois choses essentielles. La première, c'est le rapport à la fiscalité. Pour la première fois, tous les tunisiens sont devenus des contribuables ; les gens comprennent qu'ils doivent produire plus que leurs besoins, et que l'argent doit venir d'eux pour construire quelque chose. Cela a permis le développement des marchés, et la tenue des registres fiscaux, pour s’acquitter des redevances.
Le deuxième apport est celui de la délimitation du territoire : prélever des impôts implique de savoir, où commence et ou s'arrête le territoire. Il y a eu de sérieux conflits entre les provinces turques d'Afrique du Nord, celle d'Alger ou de la Tripolitaine et celles de Tunisie. Ils ont presque tous tourné autour de la fiscalité, qui devrait paie quoi ? D'où l’émergence de l’Etat moderne et la délimitation du territoire.
Le troisième élément important, c’est l’avènement des explorateurs et des sociétés géographiques occidentales au 19e siècle. Elles nous ont légué, une bonne fois pour toute, une concrète connaissance du territoire tunisien en le représentant ou cartographiant.
Avec la fiscalité, la délimitation du territoire et les représentations cartographiques, la boucle est bouclée, et nous avons tenu cette Tunisie ou ce territoire congru de l’espace maghrébin auquel tous les tunisiens se reconnaissent aujourd’hui.

Vient alors la France, qui établit son protectorat en 1881. Comment marque-t-elle la Tunisie ?

Au-delà de la réalité spoliatrice et oppressive du colonialisme, la France nous à énormément – résolument à son corps défendant- apporté, même si le bilan reste mitigé et diversement apprécié, car, il s'agit d'un régime colonial. Mais le bilinguisme c'est installé et notre ambivalence a été définitivement celée. Aujourd'hui encore, l'école reste  bilingue. Mais au delà de la langue, il y a eu aussi la création des associations sportives, le cinéma, le théâtre. Pour moi, la France, c'est la langue, les partis politiques, les syndicats, une initiation aux normes qui régissent la vie civile et l’organisation de la cité.

Les partis politiques et les syndicats, elle les a laissé émerger malgré elle ?

Oui certainement. En tout cas, en ce qui me concerne, je viens d'une génération qui n'a pas connu la colonisation. Je suis un pur produit de l'école publique républicaine tunisienne et j’ai toujours été initié aux manuels écrits par des Tunisiens et non par des Français, écrits, aussi bien, en arabe qu'en français. J'ai eu des enseignants français, anglais, pakistanais, américains, belges. Une formation très ambivalente et on ne peut enrichissante ! Il y avait aussi le Ciné club. A 12 ans, moi, le modeste petit Kairouanais, je connaissais déjà la nouvelle vague, le cinéma d’auteur et surtout Fellini ! Ça m’a véritablement marqué à vie et je suis resté un passionné du cinéma.

Nous nous sommes appropriés l'héritage Français et nous continuions à  faire valoir son coté avantageux. C'était ça le « deal » de Bourguiba : mettre les gens à l'école, libérer la femme, et créer un État. Autoritaire cela va sans dire ! Car pour lui, tout le monde était en apprentissage, et on ne pouvait pas faire valoir la démocratie dans un pays en apprentissage.

La plus grande force de Bourguiba, c'est donc d'avoir su récupérer l'héritage pour le faire fructifier ?

Bien entendu. Mais le problème, c'est qu'il a cru qu'en faisant ça, il serait à l'abri de toute contestation. Or, les nouvelles générations ne se sont pas reconnues dans son projet. Au début des années 1970, il est pratiquement en rupture de ban avec la réalité politique : il est une autre personne, très diminuée par la maladie, qui passait le clair de son temps à faire des séjours médicaux de trois ou quatre mois en Allemagne, en Suisse ou en France. On ne le voyait pas souvent, sauf pour les mois d’été et à l’occasion de la célébration de son anniversaire le 3 août. Il a vécu comme un monarque, et il a fini par sortir par la petite porte. Mais Voilà que maintenant un véritable « retour de Bourguiba » voir une véritable iconisation de son image, un engouement pour ses mérites est entrain de prendre du terrain!


Bourguiba avait l'obsession de marquer l'histoire de la Tunisie. Lesquels de ses illustres prédécesseurs avaient sa considération ?

Il  n'y a en eu pour lui que trois personnages dignes d’être retenus par l’histoire. Hannibal, un  général carthaginois, Jugurta, un roi numide, et Kheireddine un ministre réformateur (1874-1877) et un mamelouk arrivé à onze ans et formé à la nouvelle école polytechnique de Tunis, créée en 1842. Kheireddine a écrit un ouvrage majeur (Le plus sûr moyen pour connaître l'état des nations).  Il a instauré des réformes salutaires en Tunisie. Autour de lui gravitait toute une élite d’intellectuels, qui a fréquenté comme lui l’école polytechnique et qui a voulu instaurer des réformes en Tunisie dans l'espoir d'empêcher la colonisation par la France. Ils savaient, que ces derniers présents en Algérie depuis 1830, allaient à cour ou à moins échéance envahir le pays. Ils ont tout tenté en multipliant les réformes, mais ils ont hélas échoué.

En 1861, avant même l'arrivée de Kheireddine au pouvoir, la Tunisie s'était déjà donné d'une Constitution, la première dans tout le monde arabo-musulman.

Oui. Elle avait été précédée en 1857 par le Pacte fondamental Ahd El Amen, en arabe, ou parole d’honneur donnée par le bey pour faire régner la justice et la paix. Il s’agissait au fait d’un texte de sept amendements qui donne aux minorités juives et chrétiennes les mêmes droits que les Tunisiens. Il y a ensuite eu la promulgation d’une véritable constitution en 1861, comportant pas moins de 113 amendements, qui organisait le territoire et l’État d'une autre manière  (unification des tribunaux, organisation des corporations de métiers...)

Qu'est-ce qui distingue la Tunisie des autres pays du Maghreb, qui eux aussi ont été traversés par de nombreuses civilisations ?

C'est son rapport à la centralité. En Tunisie le gouvernement central s'est installé depuis très longtemps. De ce fait, il s'est pérennisé et il est devenu une tradition politique. D'ailleurs, la ville de Tunis est devenue capitale de la Tunisie avec les Hafsides, vers 1230. Mais le plus important, c'est la polarisation de l'espace par rapport à la ville de Tunis. Carthage (aujourd'hui située en banlieue de Tunis) est, depuis sa fondation, le centre de tout un empire. Les tunisiens ne conçoivent pas le pouvoir en dehors de cette centralité. C'est une situation à la fois avantageuse et accablante, car en Tunisie on ne sait pas décentraliser !
L'histoire est pétrie autrement chez nos voisins Libyens, Algériens, Mauritaniens ou Marocains. Cela ne veut pas dire que nous ne leur rassemblons pas, loin s'en faut. Dans le vécu de ces populations, il y a énormément de ressemblances. Mais dans leur histoire et leur rapport à l’État, il y a des différences éminemment importantes.

Pourquoi la décolonisation s'est-elle passée si différemment en Tunisie et en Algérie ?

Elle s'est faite de manière négociée et moins belliqueuse en Tunisie. Bien sûr, un mouvement de résistance s'était instauré dès l’avènement du Protectorat en 1881. Les Français ont imposé un modèle, les Tunisiens s'y sont opposés. Mais ils l'ont fait en apprenant à s’opposer politiquement.
Et une personne a su cristalliser toutes les attentes des Tunisiens, en trouvant les mots justes pour le dire c’est bien évidemment le fondateur de la Nation tunisienne Bourguiba. Il était à la fois pédagogue et psychologue. Pour moi, il a imité à merveille Périclès en se métamorphosant en « psychagogue » : il savait dire aux gens exactement ce qu'ils attendaient, et il leur traçait un horizon viable. C'est d'ailleurs ce qui manque à la Tunisie postrévolutionnaire, une vision et un traceur d’horizon.

Hormis à l’époque de Carthage, la Tunisie n'a jamais abrité un peuple de conquérants. Elle a tout laissé venir à elle, est-ce une faiblesse ou un atout ?


La réponse à cette question est à mon avis plus géographique qu'historique : la Tunisie présente le relief le moins accidenté du Maghreb, que l'on peut pratiquement parcourir en une journée. Une telle situation représente pour moi une véritable richesse. La Tunisie devrait à mon sens revendiquer haut et fort sa « créolité ». Ceux qui sont venus avec leur propre culture l'ont mélangée à celle des Tunisiens. Les gens ne sont pas belliqueux, en tout cas moi je ne regarde pas les choses avec le regard assurément réducteur de vainqueur/vaincu.

FIN

*Historien tunisien, agrégé et docteur d’Etat ès Sciences Humaines, Lotfi Aïssa enseigne l’histoire moderne à l’université de Tunis depuis 1989. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et travaux de recherche sur l’histoire de la sainteté, dont notamment « Le Maghreb des soufis ». Il a aussi dirigé et publié d’autres travaux, portant sur l’histoire sociale et culturelle de la Tunisie et du Maghreb. En 2014 il a publié aux éditions Nirvana un collectif intitulé « Être tunisien : Opinions croisées ».
Lotfi Aïssa tient depuis 2011 un blog bilingue, traitant du passé et du présent du Maghreb. http://lotfiaissa.blogspot.com/



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire