lundi 27 juin 2011

Aux origines d’une antiquité tunisienne retrouvée : L’archéologie coloniale; Lotfi Aïssa


Aux origines d’une antiquité tunisienne retrouvée : L’archéologie coloniale
L’histoire coloniale de la Tunisie ou du moins plusieurs ponts de cette histoire restent à construire. Voilà ce que nous pouvons en déduire au regard des différentes lectures proposées par l’historiographie tunisienne contemporaine. D’aucun sait l’importance accordée à l’étude des différentes péripéties du mouvement national dans les enseignements réservés à l’histoire décernés aux élèves du secondaire et particulièrement aux futurs bacheliers, mais personne n’a posé la question de l’intérêt que peut recouvrir un éventuel retour sur l’engagement de la colonisation dans le projet de représentation cartographique de l’espace géographique tunisien ainsi que sur les procédés qu’elle a pu utiliser pour assigner à ce territoire une nouvelle identité rattachée à un passé oublié de son histoire antéislamique.

Les études universitaires spécialisées en histoire, et indépendamment du champ de recherche diversifié qu’elles ont pu investir, n’ont pas cru utile elles aussi de faire la lumière sur la dynamique introduite par les travaux de prospection et d’exploration du territoire de la Régence de Tunis effectués aussi bien au cours de l’ère précoloniale que pendant celle de la colonisation.

Ce n’est certes pas peu de chose que de prôner un retour sur une historiographie coloniale dont les écrits ont souffert de la partialité déconcertante de la majorité de leurs auteurs, mais toute volonté de comprendre l’indexation de la Tunisie à une antiquité occidentale inventée en Europe toute au plus au cours du XVIIIème siècle, ne peut faire l’économie d’un tel retour.

Avant d’élucider une telle énigme, tentant tout d’abord de donner une brève définition de ce que l’Occident entend aujourd’hui par antiquité.

Sur le plan politique l’antiquité inaugurerait le système de la polis de la « démocratie » de la « liberté » et de l’autorité de la loi. Economiquement parlant, l’antiquité est une période distinct, fondé sur l’esclavage, sur la redistribution, mais non sur le marché ou sur le commerce. Sur le plan de la communication, l’antiquité grecque, avec son langage indo-européen, a permis la mise en place de l’alphabet qu’une grande partie du monde occidental continue à utiliser aujourd’hui.

Les deux expériences grecque et romaine ont toujours représenté pour les défenseurs d’une séparation entre archaïsme et antiquité l’aube même de l’ « histoire » et cela à cause de l’adoption de l’écriture alphabétique.

L’un des premiers thèmes abordés par l’écriture grecque fut la guerre contre la Perse qui aboutit à cette distinction d’ordre qualitatif entre l’Europe et l’Asie dont nous ne cessons depuis de mesurer les conséquences sur l’histoire intellectuelle et politique. Sur le plan linguistique, l’Europe est devenue la patrie des « Aryens », c’est-à-dire de ceux qui parlaient les langues indo-européennes venues d’Asie. L’Asie occidentale accueillait en revanche les peuples parlant les langues sémitiques.

Voilà exprimé en quelques mots ce que l’Occident entend par « Antiquité ».

Mais pourquoi n’a-t-on pas appliqué ce concept à l’étude des autres civilisations comme celle du Proche-Orient de l’Inde ou de la Chine ? Eston fondé à exclure ainsi le reste du monde et en faire ainsi de la civilisation occidentale une exception ?

L’historiographie sur la recherche archéologique en Tunisie, est l’un des sujets le moins traité aussi bien par les spécialistes d’histoire et de civilisations antiques que par leur homologues contemporanéistes. En effet peu de travaux ont ciblé au cours des vingt dernières années un tel sujet. La raison est peut être à chercher dans l’excès de cloisonnement en terme de recherche entre différentes spécialités, archéologiques et historiques d’une part et historiennes spécialisées toutes périodes confondues de l’autre.

L’intérêt pour de telles recherches réside essentiellement dans l’éclairage qu’elles peuvent apportées quant au contexte spécifique de ce que nous ne dédaignerons pas de qualifier de bricolage littéraire facilitant l’indexation de l’histoire antéislamique de la Tunisie à une antiquité inventée par la modernité occidentale.

Dans l’esprit des instigateurs et des régisseurs de cette politique coloniale, engagés une compagne de prospection ou une fouille archéologique c’est avant tout contribuer à faire renaitre une Tunisie romaine ensevelie sous les décombre d’une islamisation et d’une arabisation conquérante.

Les traces qui permettent la reconstitution de cette présence latine en Afrique représentent à ne pas douter l’une des sources fondamentale d’inspiration pour le projet d’établissement et de colonisation française en Tunisie. L’on cherchait à mettre en exergue les gros monuments, indiquant le passé romano-chrétien de l’Afrique (théâtres, amphithéâtres, Forums, thermes, basilique, catacombes sépultures…etc.), mais aussi à œuvrer à restituer le tracé des anciennes voiries pour construire de nouveaux réseaux routiers, à se réapproprier le génie romain rattaché aux travaux hydrauliques dans le but de réussir une colonisation agricole rentable, rappelant l’opulence de l’Afrique romaine d’antan.

Aventuriers, prospecteurs, militaires, ecclésiastiques, administrateurs, architectes et comparses paraissent complètement acquis à une « archéologie appliquée », retenant la leçon de jadis pour réaliser les objectifs de naguère. On prônait avec insistance de restaurer les ouvrages hydrauliques romains, pour permettre aux nouveaux colons français de s’installer aux endroits ou il était possible de réutiliser les procédés romains dans l’extraction de l’eau de sources et des rivières. On appelait les colons à pratiquer l’arboriculture dans les plaines du littoral tunisien, arguant que les romains avaient jadis su faire de ce pays un immense verger et une forêt d’arbres fruitiers. Les centaines d’établissements agricoles, fermes, moulin à huile et à blé, qui parsemaient la compagne disposaient de citernes, de puits et de canalisations permettant de propager l’eau sur toute l’étendue de leur exploitations.

Les tendances des ecclésiastiques à travers cette entreprise de restauration du passé antique de la Tunisie passaient forcement par la résurrection de la Carthage chrétienne. On se souvient de la cession vers 1830 par le Bey Hussein (1824 – 1835) d’un terrain à Carthage au profit des autorités consulaires françaises pour la construction d’un monument commémorant la mort de Louis XI ou « Saint Louis ». La glorieuse église de Carthage prendra son essor plus tard de cette particule de terrain sous l’égide du Cardinal Lavigerie, qui allait se servir des vestiges romains qui peuplent le pays pour légitimer la conquête française. Un mois après l’établissement du protectorat le saint siège charge le même Cardinal d’une mission de « résurrection de la Tunisie Chrétienne », sa réussite impliqua l’obtention de la Tunisie du titre d’archidiocèse de Carthage puis de métropole de l’Afrique, couvrant ainsi en 1930 et à l’amphithéâtre romain de Carthage le trentième congrès eucharistique international.

Malgré la diversité des mobiles et objectifs spécifiques des ces explorateurs la perspective générale est la même, elle vise la renaissance et la restauration du passé antique de la Tunisie comme il était à l’époque romaine. Il est donc clair que l’évocation de l’archéologie et des enjeux de la reconnaissance archéologique et épigraphique de la Tunisie nous impose d’examiner de plus près l’idéologie, les présupposés et l’intérêt que requiert de telles pratiques. L’alliance intime entre archéologie et colonisation illustre parfaitement la règle de conduite respectée pendant un siècle et qui consiste à mettre l’archéologie au service de la colonisation.

Tout au long de la période précoloniale les missions archéologiques françaises menées en Tunisie, ont contribué largement à préparer le pays à la colonisation, alors que dés l’établissement du protectorat les pratiques de représentations cartographiques, de l’archéologie et de l’épigraphie ont bien affermi la mise sous tutelle occidentale de la Tunisie. C’est là peut être ou on devrait saluer une initiative peu connu entreprise par des jeunes nationalistes tunisiens et pas des moindres (Habib Bourguiba, Bahi Ladghem, et Taieb Mhiri…) de répertorier et d’étudier, dans le cadre de l’association des anciens élèves du collège Sadiki, les épitaphes arabes du cimetière d’al-Gorgâni, projet bloqué par les autorités coloniales et repris bien plus tard par le regretté Mostafa Zbiss.

D’un autre côté la colonisation parait aussi profitable au développement de la prospection archéologique et à l’appropriation des techniques de représentation cartographique. C’est dans le cadre de la colonisation qu’il fondé des « institutions-relais » permettant d’initier la recherche cartographique, archéologique et épigraphique. (Service des Antiquités et des Arts pendant de l’INAA et actuel INP pour restaurer, sauvegarder et conserver les objets d’antiquité et Service topographique pour établir les cartes d’état-major).

Si on ne doit pas perdre de vue les dégâts causés au patrimoine tunisien durant toute l’époque coloniale par le réemploi abusif des matériaux ou de la « pierre antique » ainsi que par le transfert des documents archéologiques et objets d’art vers les musées français, contribuant de la sorte à enrichir leurs collections (mosaïques, stèles votives, sarcophages, inscriptions vases de vers, statuts en marbre…etc.), force est de souligner l’importance de lever les tabous sur cette période délicate de notre histoire ou une nette volonté de faire table rase avec les liens qui nous unissent aux civilisations africaines et moyennes orientales n’ a pas empêché -quoi qu’en disent les détracteurs- de rendre possible -même a travers la lucarne réductrice de l’héritage romano-chrétien- une profonde et salutaire réhabilitation du passé antéislamique de la Tunisie.

vendredi 24 juin 2011

Le Dormeur éveillé, J.-B. Pontalis



Présentation

Comment parvenir à ce que l'oeil écoute, que toucher et goûter ne soient qu'un, qu'un style soit ma voix et que cette voix soit aussi la vôtre qui ne lui ressemble en rien, qu'elle soit celle "des ondes et des bois" "
Le tableau de Piero della Francesca, Le songe de Constantin, qui se trouve à San Francesco d'Arezzo, ouvre le livre et lui donne son mouvement. La figure du " dormeur éveillé " au premier plan du tableau, cet homme assis, au visage mélancolique, la tête légèrement penchée et appuyée sur sa main, qui garde le sommeil de l'empereur Constantin, sera la figure-clef de J-B Pontalis. Il est son double, son complice. Lui, le veilleur, le guetteur, le gardien des rêves. Lui, l'homme à la pensée rêvante. L'enfant, mais aussi le jeune homme, puis le philosophe, l'analyste, l'écrivain.
L'écriture et la pensée de JB Pontalis se développent à partir de différents motifs : une carte postale dans une bibliothèque, une conversation avec un ancien ami retrouvé par hasard, la mémoire d'un instant d'enfance, un mot qu'on avait mal compris à l'école qui devient rétrospectivement limpide, la mort brutale du père, le lien tourmenté avec le frère, l'amour d'un paysage, le plaisir d'une lecture, la découverte d'un peintre, la fidélité à une maison…
L'enfant au regard perdu vient guider l'écoute et le silence du psychanalyste. Il l'accompagne, il est toujours présent.
Il y a dans ce livre un élan et une douceur, une façon de questionner le réel et de l'aimer, de ne pas le séparer du rêve. De dire qu'il faudrait apprendre à se séparer de soi pour garder " le désir d'avancer, d'aller toujours au devant de ce qui, n'étant pas soi, a des chances d'être à venir. " Quelque chose ici demeure, persiste, ne renonce jamais. Quelque chose qui donne envie, qui accueille le langage comme s'il était toujours neuf, comme s'il apparaissait lui aussi sous la forme d'un rêve et qu'il nous étonnait.
Poème de la mémoire, pudeur du récit, plaisir du conteur, tout cela à la fois est contenu dans ce livre dont le nom fait malicieusement signe à l'une des Mille et une nuits, la trentième dit-on.

Rendre visite à sa mémoire pour qu'elle ne nous oublie pas ? Ce serait finalement peut-être cela le secret du "dormeur éveillé". Des mots, des images, des traits, tout plutôt que le cri surgi de la détresse et de l'effroi, ce cri d'un enfant perdu que personne au monde n'entend, nous dit J.B. Pontalis.

Source : http://www.mercuredefrance.fr/titres/Dormeureveille.htm

lundi 20 juin 2011

Cioran malgré lui...centenaire d'Emile Cioran



l'acte d'écrire:
Au fond, avec l’âge, tout s’épuise, même le cynisme. Je n’ai pas dépassé le cynisme, comme attitude théorique, je ne l’ai pas dépassé. Mais on le dépasse sur le plan affectif. Tout s’use. Je n’ai aucune raison de revenir sur ce que j’ai écrit. Dire : je me suis trompé, les choses dans le fond ne sont pas si terribles que ça... Non. Mais les choses qu’on a exprimées, on n’y croit un peu moins. Pourquoi ? Elles se détachent de vous. En ce sens, le fait d’écrire – c’est connu, tout le monde le dit – est une sorte de profanation, parce que les choses auxquelles vous croyez intégralement, à partir du moment où vous les avez dites, elles comptent moins.

Dieu - Solitude
Pour moi, l’acte d’écrire est une sorte de dialogue avec Dieu. Je ne suis pas croyant, mais je ne peux pas dire que je sois incroyant. Pour moi, la rencontre avec Dieu, c’est peut-être dans l’acte d’écrire. Une solitude qui en rencontre une autre, une solitude face à une solitude... Dieu étant plus seul qu’on ne l’est soi-même.

Nihilisme
La connaissance, poussée jusqu’au bout, peut être dangereuse, et malsaine, parce que la vie est supportable uniquement parce qu’on ne va pas jusqu’au bout. Une entreprise n’est possible que si on a un minimum d’illusions. La lucidité complète, c’est le néant. Je ne suis pas nihiliste, je ne suis rien, vous savez. C’est difficile à dire. Je suis sûrement un négateur, mais même la négation, ce n’est pas une négation abstraite, un exerice ; c’est une négation qui est viscérale, qui est donc affirmation, malgré tout, c’est une explosion.

dimanche 19 juin 2011

‎"Les ruines du ciel" dernier ouvrage de Christian Bobin un essai consacré pour la définition du spirituel...Ecoutez plutôt...

vendredi 17 juin 2011

رواق اللوحات المفقودة

              
 
 في الزوايا المعتّمة لمتاهة لاوعينا تقبع ذكريات متشضية يعسر الجزم بحصولها على غير الشاكلة التي ترسخت بها في أذهاننا، هناك في تلك الثنايا المظلمة حكايات غريبة مربكة نتكتم عنها نقصيها عن مدار قولنا لا نريد لها أن ترى النور. مجرد الحديث عنها أو الخوض في تفاصيلها يجر إلى مجاهل لم تنقلها سجلات الوقائع وصمتت عنها حوليات التاريخ وأخبار مؤرخيه. حكايات نزقة ترفّعت عمّا لاكته ألسنة الرواة، أُوصدت عليها أغوار السرائر ولم تَطُلها أعين المتطفلين ولا مسامع المحدّثين.
حكاية من تلك الحكايات، نرويها على مهل، نقلّب في دفاتر فاعليها، نرصد ما وصلنا من أخبار سيرهم، نأتي على مبذولها ونحفر فيمّا غاض من أسرارها. حكاية سبق للسجلات أن رتّبت مضامينها، قال فيها أساطين المؤرخين كلمة فصلا، حتى لم يعد يجدي النبش في أخبار من عاشوها. مدارها مسطح ماء يعانق الغرب المتحفز الجسور فيه شرقا منكفئا حائرا.
توهّج الشمس وعافية الماء، صفاء السماء واتساع المسافات. ما الذي يحجبه الأفق عن منتهى البصر عندما يرتدّ طرفه خاسئا؟ ما الذي يعنيه أن تدفع بك الأرحام شمال مسطح الماء أو جنوبه، شرقيّه أو غربيّه؟ وحدها قدرة الفعل عند بني البشر كفيلة بشق برزخ لاكتهال الرؤى، تُبصر الأعين بعد الأفئدة عنده أن سمائها واحدة وشموسها وآفاقها أيضا.
كُثْرٌ هم أبطال حكايتنا، باعدت بينهم مجاهل المعارف وشعائر الديانات ونحو اللغات، وقرّبت ضرورات العيش وتصاريف المعاملات واللهث وراء ما يتيحه الكسب من تشابك للمصالح وموفور الجاه وسعة الثراء. بعضهم سطع نجمه فيلسوفا حكيما أو شاعرا فذا أو موسيقارا مُلْهَمًا أو عالِما مستكشفا، والآخر استهواه الترحال بين المرافئ دافعا به حبّ إطلاعه إلى التكشّف عن حقيقة ذاته الممزوجة بمدلول غيريته، أو حنّكته فنون الملك وخِدْمَة السّاسة فاسترق أضوائهم ولازمت أخباره أخبارهم. تفصل بين ضفتي مسطح الماء شمال أو جنوبا شرقا أو غربا، قلوب منـزعجة وأهواء متفرّقة. مدى طويلا من الملاحم والمنازلات وطوفان من الضغائن والأحقاد تجلوها محطّات لافتة للاحتكاك ووقفات تعارف مستَرقة لفها الكتمان واستأصلها عن دائرة التفكير عَنَتُ الهويات القاتلة مع كثرة الشواهد وتعدّد البراهين المسفهة لذلك. تلامس أمواج اللُجين الطافح مرافئ عمّرها التباغض لا ترى سلامتها في غير دحر خصومها فعلا ومعنى، وحده الإبحار يفتح أبواب التلاقي واعدا بالسِعَة وموفور الكسب، أو دافعا إلى جحيم الأسر وأزف الأرواح...            

                            
                                                                     

mardi 14 juin 2011

روائح المدينة' لحسين الواد: ذاكرة جذلة ووعي حزين



'روائح المدينة' لحسين الواد: ذاكرة جذلة ووعي حزين
لطفي عيسى
2010-11-01

 
أي غواية دفعت مؤلّف هذه المرويّة البكر إلى الخروج عن رصانة البحث المعرفي المتخصّص للدخول في مغامرة الفعل والقول الإبداعييّن؟ هل هي بعض من رغبة مكبوتة انفلت رسْنها بعد طول إلجام؟ أم هي أمْشَاج من ذكريات جذلة رُسّخت بالتقادم، أضفت عليها معاشرة مدونات الأدب وحياكة القول صوراً وأطيافا خلاسية وألوانا وروائح وأمزجة، هي إلى مَوْفُوِر صنعة النسج الروائي أدعى ممّا سواه؟
ما بنا رغبة في الإجابة عن مثل هذه التساؤلات، حسبنا دعوة النقّاد والعارفين بعالم الأدب (ولا نرى لأنفسنا دالة على ذلك) للتدقيق في مَخْبَرِ المؤلف لـمَوْضَعَةِ فعله الإبداعي ضمن سردية القول الروائي واتجاهاته، وفي انتظار حصول ذلك لن يدخل قولنا إلا من باب رد جميل بجميل أو استجلاب متعة بمتعة.
افترّ ثغر حسين الواد على ' كليمات صادفت، وفق رائق تعبير الطيب صالح، حسن الظن بها'. كليمات أَلْقَتْ بها في خُلْدِهِ شياطين ذاكرة الشمّ حول مدينة طعن حسّادها من المتقوّلين في صحة ربطها بالتمدّن، فانبرى راوية من خالص مُحبيها لدحض مزاعم الأفّاكين، جالبا من ذاكرة المعاش براهين يُرغم بها أنوف المنابزين ويثأر بها لشرف مدينته الأثيل.
فمن جامعها الأبدي القديم وخنادق معاصر زيتونها ومحل ماخورها عند فندق الوردة الذي وسّعت ' خطبة إمام الجامع الماخورية' في شهرته، إلى مرسوم سوقها الأسبوعية. ومن دكاكين صنع السمّار إلى أفران صنع الفخار والآجر ومواضع السكن بأحيائها وحاراتها الأربعة ' العرنوس والغربية والشرقية والعِمْشَان'، الحاضنة لـ ' ريحانات قلوب' مُجْلِيَاتٍ للضرّ. ينافح ناقل المرويّة جميع من شكّكوا في شأو مدينته السامق مُعرضا عن لغو الكلام، مُقدّما قولا فصلا في تجاوزها لمتواضع منـزلة القرى وتضوّع شذى روائحها الأخاذة بالألباب المذكيّة للعقول، مشدّدا على كلف سكانها بالترداد على حماماتها وإن تعقّبتهم داخلها مردة الإنس والجان تزهق أرواحاً سَهَتْ عن التعوّذ. يقترح علينا الراوية جولة في أعطاف حارة يهودها وبيعتها وسبّاطها وجمال صنيع يوسفها وشيخُ أيامها الخوالي. قبل أن يُسِرّ لنا بأحايينها وأرزائها، معتبرا تبرّج الذكور للذكور بها بـ' تفتيش جيوب بعضهم البعض الخلفية' خُلُقٌ اقتضته تقاليد الولاء والطاعة، لاختلاط مدلول الوطء عندهم بالرّق والتباس الفاعلية لديهم بالفواعل والمفعولين، مُعالجا في الإثر وَلَعهم بالتكنية وتحريف الأسماء وتغييرها، مُعتبرا أن حرصهم على مدّ قاماتهم هو دافعهم في الحقيقة إلى التعريض بغيرهم والحطّ من شأنه وإن كان لهم وليّا حميما. ' كل يبغض كلا'، الوالد والولد، والأخوة والأقارب والجيران، بيت السكن والزقاق والنفس والحياة، فـ ' الضيق هو الحقيقة الوحيدة القائمة' بهده المدينة. تطفح أخبار البيوت بشواذر ونوادر يشرد منها العقل، ما كان لعاقل أن يصدّقها لولا استحكام السحر المدسوس عميقا في نقلها بلبّ سامعيها.
يأخذنا التطّواف عند ' حبس النعجة' الذي انتبذ من مجال المدينة موضوعا عليّا صاقب المقبرة أو مدينة الأموات، في حين عاش أحياؤها في الأسافل تؤرّخ روائح عكرة لنكد حياتهم الكَدِرَة، مُنتهيا جنوبا عند ' أرض الشط' موضع سبخة معشوقة أطرافها أنبتت أشجار زيتون نحيف بِتْعٌ زيته، تخلّله كرم وتين وخوخ وتفاح وإجاص ومشمش حلو المذاق، تكتّم أصحابه على خَبِيء مزاياه، وأنواع من البطيخ والشماّم حسبُها أن تُهدى لمن زادت معزّته في القلوب. سبخة هي الجنّة والجنان والراحة والرواح ما لبث أن أصابها ضرّ ما بعده ضرّ، بعد أن طفحت منها روائح مُرْدِيَة. دس فيها المنقّبون والواعدون بـ ' فرحة الحياة'، مستترين باستدرار نفطها وعلى غفلة من أصحابها، نفايات فتّاكة مميتة.
تلك هي مدارات محكيّة ذاكرة الشمّ، استدعى لها المؤلف وقائع من التاريخ مخاتلة مواربة مستمرئة كذوب لا يُعْتَدُّ بها من اعتادوا الانكباب على سبر أخبار الفاعلين والمفعول بهم، لكن وَقْعَهَا في أذهان مُتدبّرِيها وعقولهم أَمْضَى. أبطالها أمشاج مخلوطة بعناية التبس الواقع ضمنها بالخيال. سردية التأسيس هي التي أقامت يونس بن غالمة الثائر لشرف أمه المهدور، وجاءت بالقائد المظفّر وعسكر الأتراك وخصيانهم، قبل أن ' تمسح دولة الحماية والاستعمار بدُبرها البلاد' تليها دولة الاستقلال والسيادة، فدولة العهد الجديد.
لا فكر أكثر رُجحانا من فكر المؤرخ، فيّأه المؤلف ظلال روايته من أدناها إلى أدنها، غير أن مضاء قوله المقتَصِد المدبَّر عجزت عن تشرّبه عقول استبد بها مغلوط الإشاعة وعظيم الإفك، مُولّدا روعا شديدا ' بطلت لشدته (أصواتها) فلا صوت حيث لا نفس ولا ريح.' ذاكرة الشمّ بَعْضٌ من شَمَمِ حسين الواد، وبعضه وعي حزين.
lotfiaissa@gmail.com

dimanche 12 juin 2011

Victor Hugo, Les Griffonnages de l’écolier.


Charle a fait des dessins sur son livre de classe.
Le thème est fatigant au point, qu'étant très lasse,
La plume de l'enfant n'a pu se reposer
Qu'en faisant ce travail énorme : improviser
Dans un livre, partout, en haut, en bas, des fresques,
Comme on en voit aux murs des alhambras moresques,
Des taches d'encre, ayant des aspects d'animaux,
Qui dévorent la phrase et qui rongent les mots,
Et, le texte mangé, viennent mordre les marges.
Le nez du maître flotte au milieu de ces charges.
Troublant le clair-obscur du vieux latin toscan,
Dans la grande satire où Rome est au carcan,
Sur César, sur Brutus. sur les hautes mémoires,
Charle a tranquillement dispersé ses grimoires.
Ce chevreau, le caprice, a grimpé sur les vers.
Le livre, c'est l'endroit ; l'écolier, c'est l'envers.
Sa gaîté s'est mêlée, espiègle, aux stigmates
Du vengeur qui voulait s'enfuir chez les Sarmates.
Les barbouillages sont étranges, profonds, drus.
Les monstres ! Les voilà perchés, l'un sur Codrus,
L'autre sur Néron. L'autre égratigne un dactyle.
Un pâté fait son nid dans les branches du style.
Un âne, qui ressemble à monsieur Nisard, brait,
Et s'achève en hibou dans l'obscure forêt ;
L'encrier sur lui coule, et, la tête inondée
De cette pluie, il tient dans sa patte un spondée.
Partout la main du rêve a tracé le dessin ;
Et c'est ainsi qu'au gré de l'écolier, l'essaim
Des griffonnages, horde hostile aux belles-lettres,
S'est envolé parmi les sombres hexamètres.
Jeu ! songe ! on ne sait quoi d'enfantin, s'enlaçant
Au poème, lui donne un ineffable accent,
Commente le chef-d'œuvre, et l'on sent l'harmonie
D'une naïveté complétant un génie.
C'est un géant ayant sur l'épaule un marmot.
Charle invente une fleur qu'il fait sortir d'un mot,
Ou lâche un farfadet ailé dans la broussaille
Du rythme effarouché qui s'écarte et tressaille.
Un rond couvre une page. Est-ce un dôme ? est-ce un œuf ?
Une belette en sort qui peut-être est un bœuf.
Le gribouillage règne, et sur chaque vers pose
Les végétations de la métamorphose.
Charle a sur ce latin fait pousser un hallier.
Grâce à lui, ce vieux texte est un lieu singulier
Où le hasard, l'ennui, le lazzi, la rature
Dressent au second plan leur vague architecture.
Son encre a fait la nuit sur le livre étoilé.
Et pourtant, par instants, ce noir réseau brouillé,
A travers ses rameaux, ses porches, ses pilastres,
Laisse passer l'idée et laisse voir les astres.

C'est de cette façon que Charle a travaillé
Au dur chef-d'œuvre antique, et qu'au bronze rouillé
Il a plaqué le lierre, et dérangé la masse
Du masque énorme avec une folle grimace.
Il s'est bien amusé. Quel bonheur d'écolier !
Traiter un fier génie en monstre familier !
Être avec ce lion comme avec un caniche !
Aux pédants, groupe triste et laid, faire une niche !
Rendre agréable aux yeux, réjouissant, malin,
Un livre estampillé par monsieur Delalain !
Gai, bondir à pieds joints par-dessus un poème !
Charle est très satisfait de son œuvre, et lui-même
— L'oiseau voit le miroir et ne voit pas la glu —
Il s'admire.

Un guetteur survient, homme absolu.
Dans son oeil terne luit le pensum insalubre,
Sa lèvre aux coins baissés porte en son pli lugubre
Le rudiment, la loi, le refus des congés,
Et l'auguste fureur des textes outragés.
L'enfance veut des fleurs ; on lui donne la roche.
Hélas ! c'est le censeur du collège. Il approche,
Jette au livre un regard funeste, et dit, hautain :
— Fort bien. Vous copierez mille vers ce matin
Pour manque de respect à vos livres d'étude. —
Et ce geôlier s'en va, laissant là ce Latude.
Or c'est précisément la récréation.
Être à neuf ans Tantale, Encelade, Ixion !
Voir autrui jouer ! Être un banni, qu'on excepte !
Tourner du châtiment la manivelle inepte !
Soupirer sous l'ennui, devant les cieux ouverts,
Et sous cette montagne affreuse, mille vers !
Charles sanglote, et dit : — Ne pas jouer aux barres !
Copier du latin ! Je suis chez les barbares. —
C'est midi ; le moment où sur l'herbe on s'assied,
L'heure sainte où l'on doit sauter à cloche-pied ;
L'air est chaud, les taillis sont verts, et la fauvette
S'y débarbouille, ayant la source pour cuvette ;
La cigale est là-bas qui chante dans le blé.
L'enfant a droit aux champs. Charles songe accablé
Devant le livre, hélas, tout noirci par ses crimes.
Il croit confusément ou r gronder les rimes
D'un Boileau, qui s'entr'ouvre et bâille à ses côtés ;
Tous ces bouquins lui font l'effet d'être irrités.
Aucun remords pourtant. Il a la tête haute.
Ne sentant pas de honte, il ne voit pas de faute.
— Suis-je donc en prison ? Suis-je donc le vassal
De Noël, lâchement aggravé par Chapsal ?
Qu'est-ce donc que j'ai fait ? — Triste, il voit passer l'heure
De la joie. Il est seul. Tout l'abandonne. Il pleure.
Il regarde, éperdu, sa feuille de papier.
Mille vers ! Copier ! Copier ! Copier !
Copier ! Ô pédant, c'est là ce que tu tires
Du bois où l'on entend la flûte des satyres,
Tyran dont le sourcil, sitôt qu'on te répond,
Se fronce comme l'onde aux arches d'un vieux pont !
L'enfance a dès longtemps inventé dans sa rage
La charrue à trois socs pour ce dur labourage.
— Allons ! dit-il, trichons les pions déloyaux !
Et, farouche, il saisit sa plume à trois tuyaux.

Soudain du livre immense une ombre, une âme, un homme
Sort, et dit : — Ne crains rien, mon enfant. Je me nomme
Juvénal. Je suis bon. Je ne fais peur qu'aux grands. —
Charles lève ses yeux pleins de pleurs transparents,
Et dit : — Je n'ai pas peur. — L'homme, pareil aux marbres,
Reprend, tandis qu'au loin on entend sous les arbres
Jouer les écoliers, gais et de bonne fois :
— Enfant, je fus jadis exilé comme toi,
Pour avoir comme toi barbouillé des figures.
Comme toi les pédants, j'ai fâché les augures.
Élève de Jauffret que jalouse Massin,
Voyons ton livre. — Il dit, et regarde un dessin
Qui n'a pas trop de queue et pas beaucoup de tête.
— Qu'est-ce que c'est que ça ? – Monsieur, c'est une bête.
— Ah ! tu mets dans mes vers des bêtes ! Après tout,
Pourquoi pas ? puisque Dieu, qui dans l'ombre est debout,
En met dans les grands bois et dans les mers sacrées.
Il tourne une autre page, et se penche : — Tu crées.
Qu'est ceci ? Ça m'a l'air fort beau, quoique tortu.
— Monsieur, c'est un bonhomme. — Un bonhomme, dis-tu ?
Eh bien, il en manquait justement un. Mon livre
Est rempli de méchants. Voir un bonhomme vivre
Parmi tous ces gens-là me plaît. Césars bouffis,
Rangez-vous ! Ce bonhomme est dieu. Merci, mon fils. —
Et, d'un doigt souverain, le voilà qui feuillette
Nisard, l'âne, le nez du maître, la belette
Qui peut être est un bœuf, les dragons, les griffons,
Les pâtés d'encre ailés, mêlés aux vers profonds,
Toute cette gaieté sur son courroux éparse,
Et Juvénal s'écrie ébloui : — C'est très farce !

Ainsi, la grande sœur et la petite sœur,
Ces deux âmes, sont là, jasant ; et le censeur,
Obscur comme minuit et froid comme décembre,
Serait bien étonné, s'il entrait dans la chambre,
De voir sous le plafond du collège étouffant,
Le vieux poète rire avec le doux enfant.




Autour des mentalités maghrébines : Post-islamisme et esthétique de la présence


Basées sur un rapport étroit au vécu, les croyances populaires maghrébines ne sont guère inscrites dans les préceptes de la charia. Ce qui importe pour les dépositaires de telles sensibilités spirituelles diffuses dans les mentalités maghrébines, c’est de mettre l’islam à la portée du commun des musulmans dont les soucis ne dépassent guère l’heureuse expression du poète grec Hésiode (VIIIème siècle av. J-C) dans « les travaux et les jours » : nul ne peut aspirer à une vie décente sans devoir se mettre au travail.
Au fait, une telle spiritualité trouve sa légitimité, croyons-nous, dans sa propension à abriter une certaine subversion par rapport à l’orthodoxie normative, impliquant un certain engagement au profit des soucis des gens, et traduisant une certaine identification à l’islam maghrébin sciemment engagé et non dénué de grandes valeurs. De telles valeurs sont généralement comprises à travers l’exemplarité de trajectoires de vie dont les protagonistes ont montrés suffisamment de disponibilité dans leurs relations à l’adversité. C’est sommes toutes une forme de « présence » qui comporte une certaine esthétique qui nous rappelle à maintes égards les valeurs défendues aujourd’hui par la citoyenneté moderne et que le savoir sociologique n’a pas dédaigné d’appeler « l’art de la présence ».
Pour les défenseurs d’une telle philosophie de vie le rapport à l’autre, fut généralement dénier de toute velléité hégémonique, de toute vision verticale. Le compagnonnage valeur importante dans la pratique confrérique musulmane est une forme d’enrichissement permettant d’instaurer la médiation. Une telle démarche est enracinée dans notre patrimoine aussi bien culturel que cultuel. Accepter l’autre c’est l’accompagner, c’est aussi sortir à sa rencontre et monter de la disponibilité à son égard, toute appréhension ne pouvant engendrer que méconnaissance.
Dans le magma brassé de la population maghrébine, cet engagement a souvent fait corps avec les préceptes de la religion officielle ordonnant, croyant nous, une manière maghrébine de composer avec l’autre, de l’apprécier sans craindre d’être aliéner ou de faire table rase avec ses convictions religieuses. Là va commencer une grande métamorphose ou le commun des maghrébins vont apprendre à devenir négociateur. L’on négocie comment l’autre peut reconnaître en nous un partenaire capable d’enrichir son devenir et partager les tracas de sa condition humaine ?
La sainteté phénomène transversal dont les vestiges continuent à baliser le paysage des deux rives de la Méditerranée a constamment constitué une expérience humaine et spirituelle traduisant, même décriée, un enrichissement indéniable. Ce qui la rendait attrayante, c’est croyant nous, le rapport à une certaine esthétique de la vertu qui n’est pas l’apanage d’une élite cultivée ou d’une intelligentsia, mais une morale de vie partagée par le commun des gens.
Pour aspirer au titre d’icône, le saint « honnête homme » dirions-nous des temps pré-moderne, doit achever un parcours de combattant fait d’embûches, traduisant une quête personnelle visant à l’acquisition de hautes valeurs morales et spirituelles telles que la charité, l’humilité l’amour ou la liberté.
Méditées par le commun des gens au travers de trajectoires prises pour exemplaire, l’intériorisation des ces péripéties conduit à une forme d’appropriation par l’exemple, appropriation progressant selon la sensibilité et le propre rythme du quêteur. La vertu se transpose à travers la parabole d’une trajectoire, et à force de redondance et de répétition le discours devient parabole et la vie en vient à devenir sa juste expression.
Ce n’est nullement un rapport aux aspects fascinants d’une trajectoire extrahumaine, au contraire l’exemplarité d’un saint maghrébin reste de dimension humaine, même si un tel acheminement avait été parabolisé ou iconisé pour permettre au gens de donner au discours la juste valeur de l’expérience vécue. C’est pour cette raison que maintes légendes dorées, dont les protagonistes se sont éteints en odeur de sainteté, nous ont paru subversive au point ou nous ne pouvons ignorer leur propension à exprimer un engagement latent s’inscrivant de droit dans une contre culture. Le traitement artistique d’un folklore en complète désuétude ne nous a-t-il pas suffisamment apporté de preuves quant à la présence d’une telle esthétique? C’est justement à une telle dimension qu’il faille peut-être aujourd’hui accorder plus d’intérêt, parce que c’est toujours à notre corps défendant que nous acceptions de mettre la tradition au diapason de la modernité.
L’islamophobie des défenseurs des valeurs démocratiques et républicaines trouve sa raison dans leur scepticisme quant à la capacité des islamistes à s’approprier une modernité souvent perçue comme mécréante et décadente ; toute en feignant d’oublier que la vigilance citoyenne ou « l’art de la présence » est le seul garant contre une telle dérive. Car si le quotidien est perçu comme une esthétique les convictions des autres ne représenteront nullement pour les musulmans de culture ou de foi que nous somme la moindre crainte, mais au contraire un immense enrichissement.
Quatre paramètres nous paressent exprimer aujourd’hui les profondes transformations engageant plusieurs pays musulmans à s’inscrire dans un post-islamisme latent y compris les pays du Maghreb :
Nous citerons au premier abord les conséquences des nouveaux rapports des populations maghrébines à la sédentarisation qui les obligent à composer avec une contingence historique totalement différente de celle qui prévalait jadis. En effet jusqu’aux débuts des années trente du vingtième siècle, une minorité de gens vivaient dans les villes. Cette minorité croyait être détentrice d’un islam savant et dépositaire de ses préceptes qu’elle devait sciemment inculquer aux autres. Le moule de la ville ordonnait la norme en terme de religiosité par rapport à un intérieur souvent représenté comme un magma flou et indéfinissable, incapable de s’insérer par ses propres moyen dans un tel registre cultuel et culturel. D’où, la dichotomie entre une culture dite populaire et une autre réservée aux élites savantes. Perceptions complètement erronées, parce que le brassage ethnique et religieux dans l’enceinte de la ville comme dans ses faubourgs a constamment permis l’émergence de médiateurs jouant le rôle de hiatus ou de croix de transmission entre bédouins sédentarisés et cités cloisonnées.
Le deuxième paramètre est le pragmatisme insufflé au registre des valeurs. En effet pour des populations musulmanes à majorité sédentaire, vivant dans les villes et cherchant à bénéficier du mieux d’une telle situation pour optimiser les opportunités qui se présentent devant elles, l’impérieuse nécessité de s’adapter au modèle de vie sédentaire traduit forcement, eu égards aux contraintes du quotidien, l’introduction d’un certain pragmatisme souvent intériorisé comme contraire aux préceptes ordonnés par la chria’.
Le troisième paramètre concerne le genre féminin contraint dans son rapport à un quotidien des plus complexe, de transgresser aux normes ou de déroger aux règles de conduite imposées par une société masculine et ce dans l’intention de réaliser un idéal d’émancipation traduisant une définition exacte à son aspiration à devenir une vraie partenaire. Même si les femmes militantes restent minoritaires, celles qui vivent le changement au quotidien sont au contraire beaucoup plus présentes au point ou l’on vient à confonde entre militantisme et présence citoyenne, preuve éclatante d’une mutation significative dans les mentalités maghrébines.
La femme prouve en sortant du cadre intimiste et clos de la cellule familiale et en investissant le paysage social au quotidien, qu’elle est capable d’acquérir les moyens lui permettant d’être mieux représenter sur l’arène publique. C’est devenu presque un modèle de vie dans les sociétés maghrébines contemporaines ou l’homme paraît tolérer une telle présence, même s’il est obligé souvent de composer avec elle à son corps défendant.
Le quatrième et dernier paramètre c’est la jeunesse des villes maghrébines, dont le quotidien paraît ordonner un rapport plus facile aux nouvelles technologies de communication ou à une cyberculture orientée dans le sens qui donne la part belle aux loisirs. Son vestimentaire bigarrée annonce une certaine rupture avec le conventionnel. Le virtuel commence à remodeler en profondeur sa façon de voir et sa raison d’être également. Cette jeunesse détentrice d’une modernité de vitrine est appelée aujourd’hui à redoubler d’effort et à monter beaucoup plus d’imagination, pour participer activement à la vie sociale.
Le virtuel crée pour elle d’autres airs, d’autres ouvertures qui transforment ses échelles de perceptions. Autant la frange instruite des adultes continue à s’inscrire dans une culture graphosphérique se représentant l’autre, à travers la lucarne d’un apprentissage ardu au livresque impliquant dans son sillage une intériorisation d’un complexe d’infériorité, autant la jeunesse est inscrite dans un autre rapport dont l’échelle nous paraît planétaire et dont l’idéal serait à notre sens de se frotter à l’autre sans appréhension ni complexe. Le rapport au religieux ne peut faire l’économie d’une telle posture, l’horizon revendiqué est totalement transfiguré.
En effet, même si elle continue à revendiquer, non sans exaltation et ardeur son attachement à l’identité musulmane, la jeunesse maghrébine nous parait plus perméable aux nouvelles idées colportées par « une modernité » instantanément partagée. Pour elle, l’universel est compris comme une emprise directe sur les nouvelles techniques de communication optimisant les opportunités de contact avec l’autre, sans y être contraint de le connaître en chair et en os. Cette manière de vivre dispose de sa propre syntaxe, sa manière d’écrire, sa manière de s’habiller et de penser aussi.
Le Maghreb a-t-il réussi son brassage ethnique et culturel ? C’est peut-être là ou réside son acquis le plus précieux. A-t-il sa propre conception de l’islam? Nous croyons que c’est le cas de le réclamer haut et fort. N’est-il pas grand temps de se décomplexer de la tutelle infondée d’une vision monolithique en reconnaissant la présence d’une perception maghrébine de l’islam ?
Pourquoi est-il permis de parler d’un islam turc assurément influencé par le chamanisme? Est-ce que l’islam maghrébin ne comporte pas lui aussi des survivances byzantines, phéniciennes et berbères? Pourquoi l’occulter ? Ce sont nos racines, et ça ne veut aucunement dire que nous rejetons notre appartenance à l’islam. Ça veut juste dire que le déterminant dans nos perceptions c’est notre rapport à un certain islam qui ressemble à ce que nous avons pu partager entant que maghrébins, comme histoire. Au fin fond de nous, nous sommes tous quelque part des musulmans. Qu’on soit agnostique, nihiliste athée, croyant ou non croyant, notre manière de vivre et d’apprécier la vie au quotidien est complètement influencée par cette religion culture qui est l’islam. Prétendre à l’existence d’un islam maghrébin, c’est pour nous donner beaucoup plus d’intérêt à la dimension esthétique dans les rapports qui nous lient à la tradition et point d’importance à la propension de toutes les idéologies de virer au conservatisme ou à l’obscurantisme.