vendredi 6 avril 2012

Ali Louati invité des Rendez-vous de l'ATEH cycle de conférences "Etre Tunisien" le vendredi 27 avril à 15 heure au club Taher Hadded




Ali Louati naît et grandit dans les faubourgs de la médina de Tunis qui lui inspirera largement un grand nombre de ses travaux, notamment les fictions. Après un baccalauréat obtenu au Collège Sadiki de Tunis, il rejoint la faculté de droit et des sciences économiques et politiques de Tunis, où il obtient en 1973 une licence en droit privé.
Mais, déjà, sa passion pour les arts et la littérature est là et occupe une bonne partie de son temps. Étudiant, il publie des pièces de théâtre, des nouvelles et des traductions, notamment d'Edgar Allan Poe et de Guillaume Apollinaire. Après un court passage par la banque, il décide, suite à sa rencontre avec le peintre Zoubeir Turki, de démissionner et de se consacrer entièrement à la vie culturelle. Il est alors recruté par le ministère de la Culture en 1974.
Carrière professionnelle
L'action de Louati au sein du ministère lui permet de bâtir de quelques unes des plus importantes institutions culturelles de la Tunisie contemporaine. Il dirige notamment le service des arts plastiques (1974-1986), le Centre d'art vivant de la ville de Tunis (1981-1990), le Festival international de Carthage (1985-1986) ainsi que le Centre culturel international d'Hammamet (1995-1996). Il fonde et dirige également la Maison des arts au sein du parc du Belvédère (1992-1999) et, surtout, il est le maître d'œuvre de la création du Centre des musiques arabes et méditerranéennes, installé dans le palais du baron Rodolphe d'Erlanger à Sidi Bou Saïd, qu'il avait imaginé comme une institution de préservation et de promotion du patrimoine musical tunisien. En collaboration avec le compositeur Anouar Brahem et Hatem Touil, chercheur et spécialiste de la conservation des phonographes, il étend par la suite les missions de l'institution aux musiques arabes et méditerranéennes et à la prospection d'expressions musicales nouvelles.
Poète et traducteur
L'écriture poétique de Louati se caractérise par une grande modernité conceptuelle et formelle conjuguée à un attachement à l'essence et à l'esprit arabe de sa poésie. Fin connaisseur de la poésie universelle et enraciné dans la tradition poétique arabe, l'écriture de Louati est un alliage entre ces deux confluents poétiques.
Sa plume est connue en Tunisie depuis le début des années 1970, lorsqu'il publie de nombreux poèmes et études critiques. Pourtant, il publie assez tardivement son premier recueil de poèmes, Akhbar al bi’r al moua’ttala (Chronique du puits abandonné) en 1985, suivi par Maji’ou-l-Miyah en 1993, qu'il traduit lui-même en français, sous le titre Parousie d'eaux, et dont il publie des extraits dans la revue Liaisons à Bruxelles entre 2000 et 2007.
Il fait par ailleurs sensation en publiant, en 1985, une traduction de plusieurs poèmes de Saint-John Perse (Anabase, Exil, Pluies, Neiges et Poème à l'Étrangère) qui, depuis, fait autorité dans le monde arabe. Louati a également écrit pour le théâtre, notamment une comédie, Al Moutachaâbitoun (Les Parvenus), créée par l'homme de théâtre Mohamed Driss au Théâtre national tunisien (2005), Min ‘ajl Béatrice (Pour Béatrice), une pièce de théâtre publiée aux éditions Contraste à Sousse en 2007, ou encore un drame en vers, Sawwah al-‘ishq (Le Pèlerin d'amour), publié également aux éditions Contraste en 2009.
Historien de l'art
Ali Louati est également historien et critique d'art. Ayant participé, sur près de trente ans, à la vie artistique en Tunisie et à l'étranger comme animateur et organisateur d'expositions artistiques, il développe une réflexion sur la naissance et l'évolution des arts plastiques en Tunisie ; il en résulte un corpus de textes théoriques sous forme d'ouvrages généraux, de monographies et de textes introductifs à des catalogues publiés à l'occasion de diverses manifestations. Parmi ses nombreux écrits sur l'art tunisien, son ouvrage L'aventure de l'art moderne en Tunisie, édité chez Simpact en 1999, constitue un ouvrage de référence sur l'art moderne en Tunisie, depuis son apparition à la fin du xixe siècle jusqu'à la fin du xxe siècle. Il a par ailleurs écrit de nombreuses monographies consacrées à plusieurs artistes tunisiens et arabes, tels que Mounir Al-Shaarani, Ahmed Hajeri, Aly Ben Salem, Hédi Selmi entre autres.
Il a aussi été membre du jury de manifestations artistiques et de biennales internationales : 6e Biennale du Caire en 1995, Biennale de Charjah en 1997, Biennale d'art africain à Dakar en 1998 et Biennale internationale de la calligraphie arabe de Charjah en 2004.
En 1979, il traduit vers l'arabe les thèses d'Alexandre Papadopoulo sur l'esthétique de l'art musulman, avec une introduction critique, sous le titre Esthétique de la peinture musulmane (éditions Abdelkarim Ben Abdallah à Tunis). Suivent de nombreuses publications et études sur l'esthétique de l'art musulman dans des encyclopédies et ouvrages collectifs.
Activités pour la télévision et le cinéma
Louati a également écrit de nombreuses fictions pour la télévision. On peut citer parmi ces travaux El Khottab Al Bab, feuilleton à succès écrit en deux parties pour la télévision tunisienne (1995-1996), ou encore Îchqa wa Hkayet (Amour et commérages), Manemet Arroussia (Songe d'Aroussia) et Gamret Sidi Mahrous (La lune de Sidi Mahrous). Pour le cinéma, il écrit en 1982 le commentaire d'un court métrage, La Rose des sables, d'après un scénario et une réalisation d'Hassan Chatti et Mohamed Driss. À partir de son poème Titfakkar (Te souviens-tu ?), mis en musique par Anouar Brahem, tiré de l'album de chansons Passion de fleur, Kalthoum Bornaz réalise un court métrage, Regard de mouette, en 1991.
Publications:

Poésie
(ar) Akhbar al bi’r al moua’ttala (Chronique du puits abandonné), éd. Maison tunisienne de l'édition, Tunis, 1985
(ar) Anabase wa qaçaid ukhra, éd. Maison arabe du livre, Tunis, 1985, traduction de poèmes de Saint-John Perse
(ar) Maji’ou-l-Miyah (Parousie d'eaux), éd. Maison arabe du livre, Tunis, 1993
Prose
(ar) Héraclès, éd. Contraste, Sousse, 2001, présentation sous forme romanesque des diverses traditions autour du héros de la mythologie grecque
(ar) Boustani-l-khamsata a’shara massa, éd. Contraste, Sousse, 2004, traduction de Samir Makhlouf, Le Jardinier de quinze soirs, éd. Sens & Tonka, Paris, 2000
Théâtre
(ar) Min ‘ajl Béatrice (Pour Béatrice), éd. Contraste, Sousse, 2007 (pièce de théâtre)
(ar) Sawwah al-‘ishq (Le Pèlerin d'amour), éd. Contraste, Sousse, 2009 (drame en dialecte)
Arts plastiques
Monographies
Aly Ben Salem, éd. Maison tunisienne de l'édition, Tunis, 1986
Hédi Selmi, éd. Cérès, Tunis, 1994
Le baron Rodolphe d'Erlanger et son palais Ennajma Ezzahra à Sidi Bou Saïd, éd. Simpact, Tunis, 1995
Ahmed Hajeri, éd. Maison des arts, Tunis, 1997
Ouvrages généraux
(ar) Les arts plastiques en Tunisie, éd. ALECSO, Tunis, 1996
L'aventure de l'art moderne en Tunisie, éd. Simpact, Tunis, 1999




Ali Louati dit ce qu'il avait sur le cœur
Le Temps | Publié le 21.02.2011





«La censure institutionnalisée où le ministère de l’Intérieur a ses représentants, est une honte!»
Ecrivain, peintre et scénariste, Ali Louati est auteur d’ouvrages sur l’art moderne et contemporain en Tunisie et de monographies sur les artistes dont Hédi Turki, Fathi Ben Zakkour, Khaled Ben Slimane…Il a aussi à son actif, des œuvres littéraires dont un recueil de poésie en arabe « Chronique du puits abandonné » et une traduction en arabe de poèmes de Saint-John Perse : Anabase, Exil, pluies, Neiges, Poème à l’étrangère.
Auteur dramatique, il a écrit des pièces théâtrales dont « al Moutachaâbitoun », (créée par le TNT en 2005), « Pour Béatrice » (2007) et « Sawwah al-ichq »(le pèlerin d’amour 2009).
Comme artiste peintre, on l’a vu organiser des expositions personnelles et participer à des expositions collectives sans oublier qu’il a été désigné membre de jury de biennales et de concours artistiques nationaux (ATB Challenge) et internationaux, (Le Caire, Charjah, Dakar et Jeddah).
Ali Louati vient de composer un "Hymne à la révolution", mis en musique par Rabii Zammouri, une manière de rendre hommage à son pays et sa Révolution du 14 janvier 2011.

Le Temps : en tant qu’intellectuel tunisien, comment vivez- vous cette révolution ?

Ali Louati : je la vis avec un sentiment de fierté mêlé d'espérance et de crainte ; espérance de la voir continuer son chemin et tenir pleinement ses promesses, et crainte d'en voir détourner les fruits au profit des opportunistes de tout acabit. Je suis de ceux qui croient en l'authenticité de cette révolution comme nécessité historique et comme lame de fond grossie par les frustrations accumulées par le peuple tunisien depuis des décennies. Certaines de ces frustrations remontent à l'époque de Bourguiba qui, en bâtissant la Tunisie moderne, n'avait pas jugé utile d'asseoir l'édifice sur la démocratie. Les troubles sociaux et politiques qui marquèrent la longue fin de règne du vieux leader portèrent au pouvoir une oligarchie despotique et pillarde, sous laquelle le peuple tunisien avait enduré toutes les formes de l'oppression et de la rapine organisée.

*N'est-ce pas aussi et surtout la révolution de la jeunesse ? Quels en sont les acquis et les défaillances ?
-La jeunesse en a été le porte-étendard ; une jeunesse frustrée de son avenir et dont le ras-le-bol a mis le feu (au propre comme au figuré) aux poudres. L'étincelle est partie des régions déshéritées, parmi les laissés pour compte d'une "politique" de développement qu'on glorifiait à satiété. Le principal acquis de cette révolution est d'avoir redonné au peuple, qui y a cru et réagi massivement, le goût de la liberté. Reste, maintenant, la difficile tâche de gérer le succès présent et de bien préparer l'avenir, celui d'une Tunisie libre et démocratique. Y arrivera-t-on ? Assurément si cette révolution réussit à se doter de structures et d'institutions issues de son propre esprit et exprimant sa propre légitimité.

* Vous avez composé un "Hymne à la révolution", mis en musique par Rabii Zammouri, aujourd'hui largement partagé sur Facebook et diffusé par certaines stations de radio. Quelles étaient les circonstances de la création de cet hymne ?

-C'est un poème écrit dans l'euphorie vécue par le peuple tunisien enfin délivré du joug qui l'opprimait. Je l'ai conçu comme un hommage à cette merveilleuse jeunesse qui avait réussi à réaliser ce dont avait rêvé la génération précédente sans pouvoir l'accomplir. Rabii Zammouri, le compositeur, Faïza Affès, réalisatrice du vidéo-clip ainsi que les membres de la chorale, sont tous de jeunes talents qui ont exprimé dans cet hymne un fort engagement pour la nouvelle Tunisie et un bel enthousiasme pour la liberté retrouvée.

*Que pensez-vous de l’actuel gouvernement provisoire, surtout qu’il fait l’objet de beaucoup de critiques de la part des citoyens et de certains chroniqueurs politiques ?
-Il n'est pas toujours facile de saisir la logique de l'action du gouvernement provisoire qui, en l'espace de quelques semaines, a changé de composition, multiplié les volte-face, déclaré ne pas être au courant de choses assez graves. Il compte sûrement des volontés sincères, mais cela ne suffit pas à le rendre crédible aux yeux de l'opinion ; car il semble subir les événements plus qu'il ne les prévient. Les débordements, les atteintes à la sécurité des citoyens, les déprédations contre les biens publics et privés ne se comptent plus. La bonne volonté, la sincérité ne suffisent pas à rétablir l'ordre. Il manque à ce gouvernement un large consensus national qui garantirait à son action davantage de vigueur et d'efficacité. Au lieu de cela, la gestion des affaires continue à s'appuyer sur une soi-disant constitution que la révolution a rendue caduque ; avec, en prime, le triste et indécent spectacle des parlementaires de l'ancien régime, tous thuriféraires zélés du dictateur, en train de se justifier!

* Quelles sont –selon vous- les causes de cet état de chaos qui s'installe avec ce sentiment persistant de suspicion et d'insécurité qui retarde un réel retour à la vie normale ?

-Cet état de fait ne peut être imputé évidemment à la révolution elle-même, qui a été menée dans un esprit de solidarité pacifique et de discipline démocratique qui a séduit le monde. Il y a encore tant de zones d'ombre et tant de questions en suspens qui sont loin d'apaiser les esprits. A-t-on identifié nominativement tous ceux qui ont tabassé, tué tant de Tunisiens pendant les manifestations ? Qui sont les fauteurs des troubles qui continuent, en bandes armées, à terroriser la population ? Pourquoi tarde-t-on à faire toute la lumière sur des événements graves qui se passent ici et là, comme cet exode de milliers de jeunes Tunisiens vers les côtes italiennes qui a donné à un ministre fasciste du gouvernement Berlusconi l'outrecuidante idée d'envoyer sa police en Tunisie ? La communication officielle, parcimonieuse et sélective à souhait, n'est pas de nature à rassurer les citoyens sur leurs vies et leurs biens et restaurer leur confiance dans l'État. L'attention est dirigée essentiellement vers les revendications salariales. A la télévision, il est surtout question de la misère, de sit-in dont certains se sont érigés en "tribunaux révolutionnaires" jugeant, dans une ambiance de pétaudière, des responsables d'institutions, déclarés ennemis publics, et sommés, sans autre forme de procès, de "dégager" au vu et au su d'une autorité impuissante, obligée parfois d'entériner la sentence de maint "lynchage moral".

*Quelles sont les mesures à prendre et les priorités à mettre en valeur pour mettre fin à cette situation et ne pas faire échouer la révolution ?
-C'est au gouvernement d'imaginer dans le détail, les mesures à prendre et d'en hâter l'application. Elles doivent être efficaces et dissuasives et tendre vers le rétablissement d’une vie paisible et normale. Mais ce sont les droits fondamentaux des Tunisiens qui doivent être impérativement garantis, y compris ceux des personnes soupçonnées d'avoir commis des crimes contre le pays, afin que seuls les tribunaux puissent les juger et rendre, ainsi, une sereine et réelle justice.

*Comment voyez-vous l’avenir du pays et quelles solutions proposeriez-vous?

- Là aussi, c'est au peuple dûment et démocratiquement consulté de s'exprimer sur son avenir et de trouver les solutions. La Tunisie sera ce que les Tunisiens veulent qu'elle soit. Pour ma part, je rêve d'un pays doté d'un régime démocratique, où toutes les sensibilités politiques pourront s'exprimer tout en ayant en commun un certain nombre de principes fondamentaux transcendant le jeu politique et garantissant la cohésion nationale. Je rêve d'une Tunisie libre de ses choix, ne cédant à aucune pression étrangère, qu'elle vienne de pays voisins ou des puissances occidentales dont l'interférence dans nos affaires était, à ce jour, considérée comme une fatalité. Enfin, je suis pour une Tunisie bien intégrée à l'ensemble maghrébin et au monde arabe auquel elle est liée par l'histoire et la culture.
Il est nécessaire, à présent, de lancer de grands débats nationaux, sur les sujets les plus urgents, où tout le monde participe avec une claire conscience de préserver, solidairement, les acquis de la révolution. L'entente entre les partis politiques, les composantes de la société civile, est une nécessité et une priorité, si on ne veut pas que les forces de la réaction, profitant des dissensions, réinstallent une nouvelle dictature.

*Etes-vous pour un régime présidentiel ou parlementaire que la Tunisie devrait adopter ?

-Je souhaite pour la Tunisie, un régime qui lui offre surtout la stabilité et garantit une réelle alternance du pouvoir. Les Tunisiens d'aujourd'hui en ont assez des durées de gouvernement qui vous bouffent la moitié d'une vie ! Avec la prolifération actuelle des partis, et en l'absence d'une tradition du jeu démocratique, il est à craindre que le régime parlementaire s'avère trop instable. Le régime présidentiel est une meilleure formule pour la stabilité, à condition de se limiter à un seul mandat présidentiel.

*Beaucoup d’intellectuels et d’hommes de médias qui étaient impliqués dans l’ancien régime se sont travestis en donneurs de leçons sur la démocratie et la liberté d’expression, qu’en pensez-vous ?
-Le ridicule ne tue pas, mais ne sauve pas, non plus de la honte. Les révolutions sont aussi des scènes de la mascarade et de la dérision. Tel qui, la veille encore, adorait une idole, ne se gêne pas de la brûler aujourd'hui, trop confiant dans l'oubli. Mais il est plus décent, pour ceux-là, de se taire, car 'ils ne peuvent gommer les faits ni brûler une mémoire vivante, qu'un simple clic de souris peut révéler.

*Comment voyez-vous l’impact de la révolution sur la création en général et littéraire en particulier surtout que l’Union des écrivains tunisiens a été durant des années, la tribune de l’ex dictature ?
-Quand l'esprit se libère et reprend confiance en lui-même, la créativité reprend, elle aussi, son essor vers des horizons nouveaux. J'espère que la création en général s'inspirera de l'âme de cette révolution dans le sens d'une plus grande liberté. La littérature, l'architecture, la musique, les arts de la forme exprimeront, je l'espère, l'aventure spirituelle inédite de la Tunisie libérée. Concernant l'Union des écrivains tunisiens (dont je n'ai jamais fait partie), la nature du régime déchu ne permettait pas qu'elle fût dirigée par des esprits indépendants. Ses éléments les plus valables devraient pouvoir lui imprimer des orientations en phase avec les nouvelles réalités.

*Avez-vous été une fois victime de la censure et pensez-vous qu’il y a une limite à la liberté d’expression ?
-J'ai été, plus d'une fois, en butte à la censure, à l'occasion d'œuvres de fiction télévisuelle, dont certaines ont été lamentablement charcutées, comme Hsabet w-aqabet ; Awdit al-miniar ; Achiq assarab ; dans ce dernier feuilleton, deux scènes ont été supprimées lors du tournage dans le Sud, suite au véto de la Direction des Affaires politiques au Ministère de l'Intérieur (qui a demandé à lire le scénario). En 1993, La Commission d'"orientation" théâtrale a refusé le visa à une pièce de Bernard-Marie Koltès, "Solitude dans un champ de coton", traduite par moi-même et mise en scène par feu Rached Mannai, sous le prétexte fallacieux et mesquin, qu'elle portait atteinte aux bonnes mœurs. Devant notre rejet indigné de la décision, le chef de Cabinet du Ministère de la Culture se dérangea pour assister à la représentation et dut convenir que ladite commission avait donné dans un singulier délire.
En tant qu'artiste et écrivain, je pense qu'une œuvre dont le propos est d'explorer le possible esthétique dans sa dimension universelle, sans porter atteinte à la dignité humaine, doit pouvoir s'exprimer librement. La censure institutionnalisée où le ministère de l'Intérieur a ses représentants, est une honte. La seule limite à la liberté d'expression est la liberté et la dignité des autres.

*Quels sont vos projets dans le domaine de la création, toutes disciplines confondues et qu’attendez-vous du nouveau ministre de la Culture ?
-La révolution a éclaté, alors que je préparais l'édition d'un livre sur la musique en Tunisie. Je pensais aussi au moyen de faire monter deux pièces de théâtre déjà éditées ; de l'une d'elles, j'ai tiré un livret d'opéra sur lequel un compositeur de mes amis se propose de travailler. Attendons que le calme revienne pour en envisager la réalisation.
Quant au ministre de la Culture, je ne crois pas qu'il ait, actuellement, le temps d'examiner tous les grands dossiers de la culture et encore moins d'y apporter une solution. En attendant, souhaitons-lui bon succès dans ses efforts de récupérer les nombreuses pièces du patrimoine archéologiques volées au peuple tunisien.

Propos recueillis par Sayda BEN ZINEB

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